Immeuble de quatre étages avec deux commerces en rez-de-chaussée, 42 rue Charlot (IIIe). Décor sinistre. Un permis de construire a été déposé pour la réhabilitation de quatre étages d'habitation (plus combles) et deux commerces dont l'un sera transformé en caves. (Architecte Laurent Meder).
Les deux commerces sont fermés depuis des années. Les appartements en étage sont visiblement abandonnés. Trois pigeons en profitent, tranquillement posés sur le garde-fou du premier étage. C'est une nouvelle illustration du paradoxe très répandu dans le IIIe : le m² rénové est cher (10 à 11.000 € si on se réfère à la dernière opération COGEDIM du 21 rue Charlot) mais de nombreux immeubles sont en déshérence ou consacrés à l'entreposage de marchandises.
La situation évolue à un rythme lent. Nous signalons régulièrement des changements encourageants de destination du commerce vers l'habitation mais beaucoup reste à faire. Dans un sens, c'est du grain à moudre pour l'équipe municipale qui affiche régulièrement sa détermination à créer des logements. Avec ce projet, confié à la SGIM, bailleur social de la Ville de Paris, ex gestionnaire des appartements "Ville de Paris", dont certains ont fait scandale, déjà connu dans l'arrondissement pour son intervention au 29 rue au Maire, c'est un sérieux bond en avant.
D'autres possibilités existent dans nos quartiers. Aussi, n'y a-t-il pas comme un excès de zèle au conseil municipal à vouloir intervenir "dans le diffus" ? Pour ceux qui ne connaissent pas cette expression, il s'agit d'appartements isolés que la mairie achète pour les louer en logements sociaux.
Au cours de sa séance du 12 octobre, le conseil a adopté un "voeu" dans ce sens. Il est dit, dans les attendus, que la Ville n'a pas l'intention (mais elle en a le droit) d'intervenir sur des transactions entre particuliers. C'est à la fois heureux et inquiétant car cette précaution oratoire peut dissimuler une tentation sous-jacente. Il est utile de rappeler, lorsque la mairie préempte, qu'elle propose, sur recommandation des Domaines, un prix qui peut se situer 40% au dessous du prix de marché. On n'est certes pas obligés d'accepter mais le processus de vente est bloqué.
On a le sentiment, de plus, que les élus ne tirent pas les leçons de la situation financière préoccupante de la Ville de Paris. Acheter dans le diffus des logements qui n'ont pas vocation à être sociaux, c'est alourdir un déficit que nous commençons à payer cette année avec une taxe foncière majorée de 28% et une taxe d'habitation qui progresse de 11%, sans préjuger des décisions en cours pour 2010, comme si dans cette affaire le maintien du pouvoir d'achat des parisiens, dont les salaires et traitements progressent péniblement de 1%, n'était en aucune manière le souci du Maire de Paris.
Là où le voeu du IIIe sonne juste, s'est dans la référence à l'obligation du PLU (plan local d'urbanisme) de Paris de réserver 25% de logements sociaux dans les rénovations supérieures à 800 m². Cette disposition a été l'argument majeur de la Ville pour demander la révision du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) qui a force de loi sur le Marais et son alignement sur le PLU. C'est de bonne guerre mais on a envie de sourire car le Maire du IIIe, Pierre Aidenbaum, avec l'habilité que nous lui connaissons, a obtenu à plusieurs reprises que des promoteurs comme COGEDIM se plient à sa demande d'appliquer la règle sans y être obligés.
Il faut citer la "coda" du voeu en question : "les élu(e)s .....émettent le voeu que le Plan Local de l'Habitat [......] prenne en compte la nécessité de mener une politique attentive et volontaire de financement du logement social dans le diffus". On dirait qu'on marche sur des oeufs. Pourquoi ne pas écrire : "les élus [.....] demandent qu'on fasse du logement social dans le diffus" ? On dirait que les auteurs ne sont pas sûrs de ce qu'ils avancent. C'est peut-être un signe de sagesse.