Soir de juin rue des Archives, 2011
Les habitants ont participé avec M6 à de longues et multiples séances de tournage. Nous sommes habitués à constater, dans des cas semblables, que l'heure de tournage se résume in fine à cinq secondes de projection et que la plupart des acteurs se trouvent réduits à l'état de fantômes. Dans le cas présent, c'est plus grave : nous ne reconnaissons pas nos quartiers.
Voici ce qu'en dit Yvon Le Gall, vice-président de l'association "Vivre le Marais !", en charge du IVe :
M6 annonce que le numéro inédit
d'Enquête Exclusive, présenté par Bernard de la Villardière et diffusé
dimanche 23 septembre à 22H55, sur le thème "Quartier chic et nuits
chaudes : les secrets du Marais", a rassemblé 1,9 million de
téléspectateurs, pour une part d'audience record de 18,6% auprès de
l'ensemble du public. (Source: Boursier.com)
Las !
Les habitants du Marais se seraient bien passé d'un reportage à grande
audience qui caricature de manière aussi outrancière la population du
quartier. Nos cousins de province retiendront de cette émission que le
Marais est peuplé d'homosexuels excentriques, habillés de cuir ou
déguisés en bonnes soeurs, de juifs ultra-violents, de vendeurs de
falafels orthodoxes et de grands bourgeois calfeutrés dans des hôtels
particuliers.
Commençons
par la soi-disant communauté gay. Ce terme est un fantasme marketing
qui ne relève d'aucune réalité tangible. Une orientation sexuelle n'a
jamais défini une communauté : y a-t-il une communauté SM (sado masochiste) ? Une communauté
des adeptes des "parties fines" ? Et cette appellation de "quartier
gay" ? Si après plusieurs décennies les gays et les lesbiennes ont gagné,
de haute lutte, le droit à l'indifférence ce n'est pas pour qu'on leur
rebatte les oreilles de mots qui évoquent le ghetto, quand bien même on lui
donnerait l'apparence d'un Disneyland gay animé par quelques limonadiers
opportunistes.
Il est grotesque
de créditer systématiquement les commerces gay d'un impact sur le prix
de l'immobilier local. Le Marais est un quartier central, proche de la
Seine et doté d'un patrimoine architectural époustouflant. Fatalement,
les prix de l'immobilier dans ce quartier ne pouvaient, tôt ou tard, que
décoller pour rattraper les quartiers en tête de peloton tels que
St-Germain des Prés. Il faut observer que le Haut-Marais (IIIe) subit le même syndrome alors que son caractère est tout différent.
Le
sympathique rabbin Touitou aura-t-il apprécié l'insistance avec
laquelle l'équipe de M6 a suivi les ultra-violents de la LDJ (Ligue de
Défense Juive) ? Beaucoup d'habitants du Marais ont découvert l'existence
de ce groupuscule à l'occasion du reportage qui suggère que la rue des
Rosiers c'est un peu Beyrouth en 1982 ... Cerise sur le gâteau : des
policiers dont on se demande s'ils sont simples ou aveugles et qui
regardent benoîtement la LDJ coller des tracts racistes pratiquement
sous leur nez ! La Préfecture de Police et le commissariat devraient être
morts de honte devant l'image de cette patrouille complaisamment
passive. Leur ministre de tutelle appréciera.
Le
meilleur pour la fin ? Le méchant habitant ronchon qui stigmatise les
gentils fétards qui hurlent le soir sous ses fenêtres. La réalité est que
l'inaction des pouvoirs publics, mairie et services de police, sur les nuisances causées par certains commerces et leurs clients a
exacerbé les tensions entre les habitants et ces commerces. D'aucuns
écrivent régulièrement que "la nuit se meurt à Paris", c'est évidemment faux et en tout cas elle ne
meurt pas en silence ...
Pour
le plaisir, nous signalons à Julia Montfort, qui a réalisé ce reportage, que ce n'est pas grâce à une pétition que le bar "Le FreeDJ"
a obtenu une remise de peine lors de sa fermeture administrative du
printemps dernier. La raison est tout autre et nous invitons Madame
Montfort à vérifier ses sources quand elle commente des sanctions
administratives.
Par
contre, nous avons hautement goûté le passage où le patron du FreeDJ
explique que son établissement est fermé à la gent féminine. A une
époque de lutte contre toutes les discriminations, ce passage fut un
grand moment de tolérance, d'ouverture d'esprit et de "vivre ensemble" ...
En
conclusion, il est regrettable que M6 ait choisi de faire du
spectaculaire en diffusant ce reportage qui donne une vision aussi
violente qu'hystérique du Marais. Quid des commerces en tout genre, des galeries d'art, de la création, de la mode, des activités du tertiaire, des artisans
d'art, des musées publics ou privés ? Et surtout, où sont passés les
habitants du Marais ?
Yvon Le Gall
Vice-président de "Vivre Le Marais !" pour le IVe