C'est dans ce décor d'un immeuble Régence du XVIIIème siècle, sans doute le plus beau de la rue du Temple (IVe), que se déroule un psychodrame permanent depuis deux ans déjà.
Au rez-de-chaussée, un magasin de chaussures de sport, dont la devanture et la vitrine ne desservent en rien l'esthétique de la rue et de l'immeuble. Enseigne discrète et couleurs de bon aloi. Ouvert le jour, fermé la nuit, ce que d'aucuns voient comme un avantage énorme au regard de la tranquillité des riverains. Un détail cependant : il règne à l'intérieur, de façon quasi permanente, une musique techno que diffusent quatre haut-parleurs.
Ce commerce a ouvert ses portes il y a près de deux ans.
Au-dessus, derrière les deux grandes fenêtres vit Evelyne F. Elle est taductrice en langues orientales. Elle affirme, ce que nous croyons volontiers, que cette discipline exige de la concentration. Il y a deux ans, elle a commencé à souffrir sévèrement du bruit en provenance du magasin. "C'est comme des coups de marteau sur une enclume", nous dit-elle. Nous avons compris que les basses traversaient le plancher, d'autant plus aisément que les enceintes sont positionnées sous le plafond du magasin.
Pour une fois, il ne s'agissait pas de tapage nocturne mais de bruit dérangeant en plein jour. Nous avons orienté Evelyne F. vers le BACN (bureau d'action contre les nuisances) de la Préfecture de Police. Un inspecteur s'est rendu sur place en avril 2012 et a constaté des émergences "non conformes au code de la santé publique". Le jour, on sait que ces émergences ne doivent pas dépasser 5 Décibels (NB : 5 décibels équivalent à un triplement environ du bruit de fond).
Il s'en est suivi une mise en demeure du commerçant de mettre son installation sonore en conformité, en installant un limiteur de volume. Ce qu'il fit.
On pourrait penser que l'histoire finit là. Il n'en est rien. Selon Evelyne, il y a des périodes de calme de plusieurs jours puis le bruit reprend, pas très fort mais lancinant, répétitif, exaspérant, comme l'est un suplice chinois. Elle s'enfuit pour rechercher la quiétude de la bibliothèque de la rue Portefoin. Sa santé en souffre. Les jours de crise, quand dit-elle ses voisins du dessous font la sourde oreille à ses protestations, elle doit prendre des calmants.
Pour ne rien arranger, profitant de l'une de ses absences, des voyous l'ont cambriolée en escaladant sa fenêtre sur cour. Tous ses souvenirs de famille, des bijoux auxquels elle tenait, sont partis sans retour.
Pour nous être rendus sur place, aux heures d'ouverture du commerce, nous pouvons attester que l'appartement était calme. Nous ne pouvons pourtant pas penser qu'Evelyne affabule. Il est plus que probable que les gérants, involontairement ou pour la provoquer, titillent leur sono. Si c'est le cas, le jeu est cruel car cette dame est en souffrance.
Face à une telle situation il faut se garder de juger. On sait pourtant que le conflit serait définitivement apaisé si le gérant maitrisait sa musique ou plaçait simplement ses enceintes à distance du plafond. Il n'est pas né encore celui qui démontrera que réduire une musique ambiante de 2 ou 3 décibels fait chûter les ventes. C'est une sornette qu'on entend trop souvent.
Qu'il le fasse donc, même s'il est démontré qu'il est désormais en règle avec le code de santé publique. Quant à Evelyne F. assurée de pouvoir vivre tranquille, nous sommes convaincus qu'elle serait dès lors une voisine charmante plus encline à lancer des fleurs que les pots de terre qui les contiennent.
Gérard Simonet