Photo prise en 1923 lors de la destruction de l' Hôtel Voyer d'Argenson 19 rue des Bons Enfants (Ier)
C’est en 1923 que la Banque de France, pour s’étendre, fait détruire l’Hôtel Voyer d’Argenson, une magnifique bâtisse du XVIIIe siècle plus connue sous le nom de Chancellerie d’Orléans œuvre du XVIIIe siècle de Germain Boffrand à qui l’on doit la place Stanislas à Nancy et le Château d’Haroué situé à quelques dizaines de kilomètres de là.
Connu pour ces riches plafonds peints par Coypel et Jean-Jacques Lagrenée et ses boiseries dues aux ciseaux d’Augustin Pajou, seuls les décors de l’hôtel, face au tollé des défenseurs du patrimoine de l’époque, furent préservés et mis dans 140 caisses envoyées dans un dépôt de l’institut monétaire à Asnières.
Une partie des 140 caisses contenant les décors de la Chancellerie d'Orléans (Photo Luc Castel/WMF)
Différents projets furent envisagés pour leur redonner vie mais sans succès. Sans la ténacité de Bertrand du Vignaud, le président du World Monument Fund Europe (WMF), nous en serions encore à de vagues incantations pour trouver une solution de réinstallation des ces merveilles. Ce dernier a eu en effet l’idée, après une étude minutieuse, de transférer ces décors dans l’Hôtel de Rohan qui appartient aux Archives Nationales. Le nombre de pièces, leur taille, leur disposition, l’absence de décors, tout conduisait à en faire l’écrin pour redonner vie à ces œuvres quasiment oubliées. Les études et les démarches furent nombreuses pour que le projet aboutisse, fruit d’un entêtement de tous les instants combiné à une volonté farouche de réussir, car il a fallu convaincre le propriétaire, en l’occurrence la Banque de France, mais aussi les Archives, le Ministère de la Culture et trouver les financements nécessaires.
L'hôtel de Rohan, près de l'hôtel de Soubise (IIIe) (Photo VlM)
Le 11 juillet 2011 Frédéric Mitterrand alors Ministre de la Culture signait avec la WMF, la Banque de France, et les Archives Nationales, la convention de remontage des décors de la Chancellerie d’Orléans dans l’Hôtel de Rohan-Strasbourg. La préparation des salles pour les accueillir est en cours au sein de l’Hôtel de Rohan. Dans un atelier de Montreuil, 10 restaurateurs redonnent leur lustre aux peintures. Bien entendu cette opération coûte plusieurs millions d’euros qui permettront de décorer 5 pièces du rez de chaussée et qui se marieront avec les décors chinois existants de Huet.
Vue d'une partie des décors peints par Coypel (Photo Luc Castel/WMF)
Cet exemple rare de réhabilitation/sauvetage est intéressant à plus d’un titre. D’abord c’est une belle et bonne opération pour le Marais dont un de ses plus beaux hôtels particuliers accueille un témoignage important du patrimoine du XVIIIe siècle miraculeusement sauvé. Il montre aussi qu’un hôtel classé a pu être détruit après avoir été déclassé ! Il faut donc rester vigilents quand d’autres intérêts que ceux liés à la protection du patrimoine l’emportent. Enfin, il illustre avec brio combien l’entêtement, la ténacité et la persévérance d’une personne l’emportent lorsque celle-ci croit en son projet.
Nous ne manquerons pas de vous informer lorsque les décors seront remontés et ouverts à la visite.
Dominique Feutry