Structure démesurée en acier galvanisé installée dans la cour de l'hôtel Pierre Aubert de Fontenay (surnommé "hôtel Salé" car son propriétaire collectait la gabelle), milieu XVIIème siècle (photo VlM)
L'affaire du musée Picasso n'avait pas besoin de cette nouvelle péripétie pour dégager un parfum de scandale. Deux journaux, chacun à sa manière, en analysent les ingrédients.
"Libération" de son côté, dans un article du 22 avril, suggère que la direction du musée a effectué des travaux avant l'obtention du permis de construire, comme un vulgaire citoyen frondeur. Et rappelle, ce qui est vrai, qu'il s'agit d'une infraction pénale passible des tribunaux correctionnels.
En effet, un permis de construire est affiché 5 rue de Thorigny (IIIe). Il est daté du 8 avril 2014, une date récente qui conduit à se demander comment les travaux qui sont réputés terminés à ce jour, auraient pu s'exécuter dans un intervalle aussi court. C'est donc qu'ils ont commencé avant. CQFD...
"Le Figaro" a pris le relais hier en offrant une tribune d'une page et demie à Claude Picasso, l'héritier du maître. Au nom de la famille, qui semble avoir des intérêts autres que sentimentaux dans l'établissement public qui gère le musée, il exige que l'ouverture ait lieu avant la fin du mois de juin. Il suffit de regarder le chantier pour se rendre compte de la gageure. Et naturellement on ne perçoit pas tout. Qu'en est-il des extensions souterraines, de l'auditorium, des locaux sociaux, de la "salle pédagogique" ?
On apprend également que les gardiens ne sont pas encore recrutés. Bref, nous nous trouvons en face d'un chantier dont les plus optimistes disent qu'il ne peut pas accueillir du public avant la fin du mois de septembre. Cette perspective rend Claude Picasso nerveux. Il compte sur la conservatrice Anne Baldassari pour tenir les engagements de l'Etat, mais il sent bien que le soutien de la Ministre Aurélie Filippetti n'est pas assuré. A juste titre nous semble-t-il.
Il faut rappeler qu'en novembre 2012, l'ouverture du musée était annoncée pour le 1er octobre 2013 !
Beaucoup, en effet, condamnent le gigantisme du projet censé déverser dans le quartier trois fois plus de visiteurs qu'auparavant, des dépassements de coûts qui font penser aux Halles et la laideur des constructions additionnelles qu'il faudra cacher sous de la végétation pour qu'elles ne jurent pas trop.
Il y a un troisième volet, latent mais réel, à cette problématique : les riverains. Ils n'ont jamais été consultés, et se plaignent des quatre années de travaux qu'ils ont subis, de l'indigence esthétique des bâtiments d'extension, qui viennent lécher la façade XVIIème du bel hôtel de Fontenay, et puis, comble de la provocation à leurs yeux, la découverte il y a quelques jours de cette forêt de poutrelles en acier galvanisé. Elle ferme désormais la vue sur la façade arrière de l'hôtel depuis le jardin public Léonor Fini.
Vue occultée de la façade du musée depuis le square Léonor Fini (Photo VlM)
Intérrogée par nous, la direction générale nous répond ceci :
"Cette structure en acier galvanisé constitue la pergola définitive du jardin redessiné par le paysagiste Erik Dhont. Cette pergola ornementale ...., rappelle le caractère de l’Hôtel Salé. Elle sera habillée de plantes grimpantes odorantes et florifères telles que rosiers grimpants, clématites et glycines..... Dans l’axe central, en fin de perspective une demi-sphère en escaliers sera le pendant du grand escalier classé. En limite du jardin public situé à l’arrière de la grille, les rosiers en grappes de type moschata, ainsi que des rosiers remontants assureront la liaison entre le jardin de l’hôtel et le jardin public. Les arbres proposés sont caractérisés par leur feuillage translucide et leurs couleurs chatoyantes".
Au lieu de chercher à reproduire les jardins suspendus de Babylone, nous sommes d'avis que le musée aurait pu faire l'économie de cet écran - fût-il florifère - et se contenter de la grille actuelle qui permet au public de bénéficier d'une vue généreuse sur l'hôtel. S'agit-il une fois encore du syndrome de la canopée des Halles, monstrueuse structure qui ne semble avoir été conçue que pour satisfaire l'égo d'architectes qui ambitionnent de laisser leur signature à une oeuvre qui fait polémique, et espèrent renouveler l'exploit de Gustave Eiffel dont la tour a été vilipendée avant de connaitre le succès universel que l'on sait.
Personne à ce jour ne s'est préoccupé de l'opinion des habitants. Les riverains sont remontés par cette goutte d'eau de la pergola qui fait déborder le vase. Constatant que le dossier des travaux n'est pas diaphane, qu'aucune information ne leur a été donnée sur le traitement des cars de touristes (on se demande une fois de plus à quoi servent les conseils de quartiers !), ils se concertent et pourraient décider de former un recours contre le permis de construire devant le Tribunal Administratif. Il est temps que les responsables réagissent. Nous rencontrons le Maire Pierre Aidenbaum dès le début de la semaine prochaine.
Gérard Simonet
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