La "Boucherie de la Mairie", propriétaire Frédéric Simonneau, avec sa double devanture sur la rue de Bretagne et sur le Marché des Enfants Rouges (Photo VlM)
Un bon boucher qui s'en va est toujours une perte. Ils étaient là depuis 1984 : Simonneau le père, Frédéric le fils l'actuel gérant et le petit-fils qui y fait déjà ses premières armes à 17 ans à peine.
Ils tireront le rideau dimanche prochain, 22 juin 2014. A la place de ce commerce, c'est un chocolatier qui s'installera. Et pas des moindres : le maître-chocolatier Jean-Paul Hévin s'est porté acquéreur des murs et du fonds. Un autre commerce de bouche, certes, mais de fine bouche.
Nous avons souhaité comprendre les raisons d'une telle évolution. Frédéric Simonneau s'en est ouvert à nous.
Frédéric Simonneau (40 ans) (Photo VlM)
Il reconnait d'entrée de jeu qu'il a été sensible à l'offre qui lui a été faite. On devine que pour un commerce de luxe comme Hévin, c'est une obligation aujourd'hui d'avoir son enseigne dans le Haut-Marais et tout particulièrement dans cette rue de Bretagne qui est passée en une douzaine d'années du statut de rue populaire à celui plus prestigieux de "bon chic bon genre" qui caractérise la gentry bobo implantée là depuis déjà quelques années.
Cette opportunité a pesé lourd dans la décision de la famille de changer de cadre de travail. Il y a pourtant d'autres raisons que M. Simonneau se plait à détailler : la baisse de sa clientèle, découragée par les difficultés de stationnement depuis que la rue a été réaménagée. Il évoque avec nostalgie l'époque où trois files de voitures stationnaient le long de la rue pendant que leurs conducteurs faisaient leurs courses. Pas sûr que nous éprouvions tous le même genre de regrets....
Il constate aussi le changement du profil social des clients. Selon lui, les habitants du quartier sont massivement des touristes qui font appel à l'offre de logements en location à la semaine (800 € par semaine pour un 40 m², précise-t-il). Des gens qui ne cuisinent pas de la viande mais se contentent de l'offre de restauration rapide qui a fleuri un peu partout.
Il souligne aussi que les résidents permanents sont souvent des personnes du show-bizz dont l'activité professionnelle les amène à se déplacer sans arrêt en France et à l'étranger. Une autre catégorie de consommateurs qui échappe aux commerces du quartier.
Où ira-t-il désormais ? La décision n'est pas prise mais la famille pourrait déplacer son commerce dans le 93, à Aulnay-sous-bois par exemple. Frédéric Simonneau considère qu'il n'y a pas de problèmes de stationnement là-bas et il est convaincu, même s'il devait pratiquer des prix plus bas pour coller au marché, que ses marges seraient au moins aussi bonnes car les charges que subit habituellement un commerce sont plus faibles dans cette banlieue qu'à Paris.
Quoiqu'il en soit, nous qui étions ses clients, nous lui disons notre déception de les voir partir (car le chocolat aussi fin soit-il ne remplace pas un bon gigot) et nous lui souhaitons le succès qu'il mérite.
L'enseigne, pas tout à fait conforme car trop grande, mais belle sans aucun doute, que nous ne verrons plus (Photo VlM)