Rue du Grenier Saint Lazare (IIIe) (Photo EH)
Ce matin du 13 juillet les riverains éberlués ont découvert cet amas de canettes au pied du container à verre qui trône sur le large trottoir de la rue du Grenier Saint-Lazare (IIIe).
L'un d'eux nous envoie cette photo sous le titre "la honte !" et stigmatise l'inertie de la Mairie de Paris.
Au premier degré, les services de la Ville sont évidemment "responsables". Sont-ils "coupables", pour reprendre ce fameux débat autour du sang contaminé ? En d'autre termes, comment éviter qu'une place soigneusement nettoyée se retrouve copieusement souillée, peu de temps après, par des dépôts massifs de déchets qui sont le fait d'une "foule" ?
La foule en effet est incontrôlable. En promouvoir le rassemblement, stimuler la participation, se réjouir de la mobilisation de centaines de milliers de personnes, quel qu'en soit le motif, souvent respectable, c'est prendre le risque (qui devient une certitude), d'en payer le prix.
Le monument de la place de la République (Photo "Libération")
Le phénomène "Charlie" a uni la France autour du refus de la barbarie et la place de la République a été au cœur de l'évènement. Il n'est venu à l'idée de personne à ce stade ("Libération", toutefois, a lancé un ballon d'essai), de se plaindre des graffiti qui recouvrent encore la statue de Marianne en bronze et le soubassement en pierre qui accueille les allégories de la Liberté de l’Égalité et de la Fraternité, car elles sont le fait d'une foule qui a cédé à une émotion légitime. En d'autres circonstances, les mêmes inscriptions auraient soulevé des vagues d'indignation.
On voit donc que les phénomènes liés à la foule ne sont pas jugés à l'aune des lois et règles en vigueur mais bénéficient d'une complaisance inhabituelle à l'égard de formes diverses de dégradation du bien public et privé.
Le triste spectacle qui nous est rapporté de la rue du Grenier St Lazare, dont nous ignorons les tenants et les aboutissants, semble issu tout droit d'un rassemblement de personnes, en plein air ou dans un établissement, qui ont consommé de la bière en abondance, probablement dans la nuit du 12 au 13 juillet. Les conteneurs de verre sont déchargés périodiquement par les services de la Mairie de Paris. Rien n'est prévu pour l'enlèvement de dépôts massifs et simultanés comme celui-là.
De ce point de vue, la municipalité n'est pas fautive. Elle serait bien inspirée toutefois d'envoyer ses inspecteurs enquêter sur un évènement qui se traduit par une nuisance pour les riverains, et réagir en amont, en coopération avec la police si nécessaire, pour éviter la récidive.
Pas fautive ... au premier degré seulement. La Maire de Paris, Anne Hidalgo, dont nous avons vu l'élection avec sympathie, est en train de perdre peu à peu son capital de confiance en faisant tout pour que Paris absorbe ce qui se présente, avec la voracité d'un trou noir (*), La liste est déjà longue : Roland Garros qui verra la destruction d'une partie des serres d'Auteuil, la Tour Triangle et ses 70.000 m² de bureaux alors même que le marché est saturé, les tours du XIIIe, les Jeux Olympiques de 2024 (après des Jeux Olympiques Gay en 2018) et de façon concomitante l'exposition Universelle de 2025. Sans oublier le PLU (plan local d'urbanisme) de Paris dont le coefficient d'occupation des sols (COS) est supprimé pour densifier encore l'habitat parisien.
Cette boulimie serait de l'ambition louable si Paris était une ville défavorisée. La réalité est tout autre : elle est dotée de mille appas, avec son architecture exceptionnelle, sa richesse culturelle et son histoire, sa création artistique, le romantisme des bords de Seine... Sa population est la plus dense d'Europe avec 24.000 habitants au km² ; son activité économique est vivace au point de susciter une forte demande de logements et son attractivité font pâlir ses rivales puisqu'elle est la première destination de touristes au monde (35 millions de visiteurs par an).
La réalité est que la Maire de Paris, qui règne sur 2.200.000 habitants ne se préoccupe pas des 10 millions de citoyens qui peuplent sa périphérie, encore moins de trouver un équilibre avec les autres métropoles françaises. Ce faisant, elle satisfait son ego mais elle vise à accroitre la population et l'activité propre à un Paris intra-muros déjà sursaturé, asphyxié par la pollution et au bord de l'explosion.
Ceci nous ramène au titre sur l'impossibilité de gérer les foules : toute mesure qui se traduit par une hausse potentielle de la fréquentation génère son cortège irrépressible de nuisances : saleté, bruit, pollution et inconfort. On a le vague espoir que 2016, qui voit la naissance du "Grand Paris", introduise plus de solidarité entre le cœur de Paris et les communes voisines, une véritable décentralisation et moins d'égoïsme à l'égard du reste de la France. Un exemple : Versailles était candidate pour Roland Garros, avec son prestige, ses espaces illimités et sa proximité avec la capitale. Fallait-il condamner son ambition légitime en mutilant les serres d'Auteuil, un élément de notre patrimoine collectif ?
Gérard Simonet
(*) Trou noir : singularité de l'espace-temps en astrophysique. Le "trou noir" aspire et détruit tout ce qui passe à sa portée, y compris la lumière (ce qui explique son nom et le fait qu'il ne soit pas visible)