Chiens ayant pris possession du Square Leonor Fini, rue Vieille du Temple (IIIe) (Photo JFLB)
Chaque matin, entre 9h00 et 10h00, une dizaine de propriétaires de chiens se rassemblent dans le square Leonor-Fini pour deviser entre eux et contempler leurs animaux s’en donner à cœur joie sur ce qui reste d’herbe en guise de pelouses, contribuant à leur dégradation. Il est vrai qu’aucune mention n’interdit explicitement les canidés dans ce jardin public, ce dont on peut s’étonner. Chacun sait que leurs déjections sont porteuses de parasites dangereux pour la santé des enfants, qui sont les grands utilisateurs du square, et notamment de ses jeux.
Le soir, avant même la fermeture du square, les rats prennent la relève. Ils y pullulent depuis les travaux du Musée Picasso. Pour leur première visite dans la Ville Lumière, les trois enfants de mes amis grecs ont ainsi pu les observer à satiété de mes fenêtres, dimanche soir, se dresser sur leurs pattes arrières pour déchirer les sacs poubelles dans lesquels les visiteurs de la journée ont entassé les reliefs de leur pique-nique, et courir d’un bout à l’autre du jardin. A l’heure où j’écris ce billet, en ce lundi 25 avril, à 18h15, je les vois à nouveau de ma fenêtre. Des grands, des petits, il y en a pour tous les goûts, et de tous les âges. Derechef, c’est bel et bien la santé des usagers, et notamment des plus jeunes d’entre eux, qui est mise en danger, car on n’ose imaginer les microbes dont sont porteurs ces légendaires rongeurs, bien que de toute évidence la Peste ne nous menace pas.
Telle est la triviale réalité d’un superbe quartier historique de Paris, plutôt nanti socialement, dans lequel la Sainte Alliance entre les intérêts marchands et les pouvoirs publics s’échine à attirer un tourisme de consommation de masse sans pour autant se donner les moyens humains et financiers d’assumer les conséquences de l’afflux de centaines de milliers de visiteurs par an. La transformation autoritaire du Marais en zone de tourisme international, sans consultation aucune des principaux intéressés, ses habitants, ne fait que précipiter le naufrage du Marais dans la saleté.
Les responsables s’en lavent les mains, si l’on peut dire, en arguant de l’insuffisance de leurs ressources, tout comme ils opposent invariablement aux plaintes des riverains confrontés aux nuisances sonores des établissements nocturnes l’absence de voiture de police disponible, et susceptible d’intervenir. La Ville de Paris, première destination touristique au monde, en veut plus, toujours plus, quitte à transformer la cité lumière en vulgaire machine à bruit et à sous, et en cloaque, au mépris de la santé et même, tout bêtement, de l’hygiène publiques. Bien que tu ne fusses pas toi-même un ange dans ton rapport à l’argent, Haussmann, réveille-toi, ils sont devenus fous !
Jean-François Leguil-Bayart