Portail monumental d'accès au CNAM (conservatoire national des arts & métiers qui s'est installé sur le site du prieuré dans les bâtiments disponibles, 280 rue St Martin (IIIe)
Nous sommes ici dans une partie du IIIe dont on parle peu mais qui est probablement l'une des plus fascinantes du Haut-Marais (*), celle en tout cas qui porte la marque la plus forte du passé et de notre Histoire. Elle s'étend du Prieuré Saint Martin des Champs, jusqu'à l'Enclos du Temple, qui était tout proche.
En partant du Square du Temple, où s'élevait le palais du Grand Prieur de l'ordre des Templiers, on se rappelle que c'est Napoléon III qui le fit démolir, parachevant ainsi l'action préventive de son oncle Napoléon Ier qui avait décrété l'éradication des vestiges de la tour du Temple, prison de la famille de Louis XVI, devenus lieu de pèlerinage pour les royalistes.
On atteint rapidement l'église du prieuré de Saint Martin des Champs, qui héberge aujourd'hui une partie du musée des Arts & Métiers. Le trajet n'est que de 200 mètres environ le long de la rue Réaumur. Une promenade assez plaisante, d'ailleurs, car elle permet de voir, dans un alignement d'immeubles post haussmanniens, côté impair, quelques bâtiments dans le style "Art Nouveau" (du n° 35 au n° 41), caractéristique des constructions parisiennes du début du XXème siècle.
Ce prieuré, dont les origines remontent au XIème siècle, est doté d'une enceinte du XIIIème siècle dont il nous reste aujourd'hui des murs et une tour à l'angle de la rue du Vertbois (IIIe). Une deuxième tour se cache non loin de là à l'intérieur d'un immeuble privé situé 7 rue Bailly (IIIe). Elle abrite un escalier hélicoïdal qui a réussi à se lover dans son diamètre.
Tour d'enceinte rue du Vertbois Intérieur de la tour rue Bailly - photo JPD
Dans cet ensemble de bâtiments prestigieux, qui abritent actuellement le CNAM (conservatoire national des arts & métiers), tour d'enceinte, église, cloître, réfectoire, qui virent se succéder pas moins de 65 prieurs dont quelques cardinaux, les époques se superposent et les styles se mélangent. On trouve du roman, du gothique, des signes de la renaissance sur les ouvertures de l'église et pour finir des bâtiments de la fin du XIXème siècle.
A gauche, réfectoire du XIIIème siècle d'un gothique épuré (qui devient bibliothèque du CNAM en 1845) et entrée monumentale du musée. A droite, le cloitre (encombré de nombreuses constructions parasites)
Plus au sud, mais toute proche dans la rue Saint Martin, se dresse l'église dans le style gothique flamboyant de Saint Nicolas des Champs (voir notre article du 13 octobre 2012). Louis Braille, l'inventeur de l'écriture tactile pour aveugles et mal-voyants, y a tenu l'orgue autour de 1850.
On voit que le secteur est riche en monuments, riche par son histoire. Le musée des Arts & Métiers à lui seul, qui constitue un pôle d'attraction, ravira ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la science et à l'industrie. Une curiosité y est présentée plusieurs fois par jour, dans l'abside de la chapelle, l'expérience du fameux "pendule de Foucault", qui met en évidence la rotation de la terre sur son axe.
Église (chapelle) du prieuré de St Martin des Champs. A gauche le chevet roman (rue Réaumur) et à droite la façade gothique (rue St Martin)
C'est aussi dans ce cadre d'une grande richesse intellectuelle, architecturale et historique, à hauteur du CNAM rue St Martin, mais de l'autre côté de la rue, que s'élève le théâtre de la Gaîté Lyrique.
Il borde le square qui s'étale entre les rues Denis Papin et Salomon de Caus (IIIe). L'édifice, dans sa version actuelle date de 1861. Il devient en 1873 le "temple de l'opérette" sous la direction de Jacques Offenbach. Les œuvres d'Offenbach sont légères, bouffes même, mais sa musique et les livrets qui l'accompagnent en font l'émule de Rossini et même de Mozart. La Gaîté Lyrique garde aujourd'hui la mémoire de son génie. Serge Diaghilev et ses "ballets russes" prirent la suite à la fin de la guerre de 14-18 en imprimant eux aussi au monument la marque de leur prestige.
La Gaîté Lyrique et son square
Le théâtre connut ensuite une série de déboires et de faillites. Il végète jusqu'en 2001, date à laquelle le Maire du IIIe Pierre Aidenbaum et Bertrand Delanoë, devenu Maire de Paris ont procédé à sa reconversion et décidé d'en faire un centre culturel dédié aux arts numériques et aux musiques actuelles.
Rue Bailly (IIIe) : extrados de la tour et restes de poutres anciennes, magasin Gédimat
La tour de la rue du Vertbois n'est pas le seul vestige du mur d'enceinte comme il est dit plus haut. L'autre tour, de cinq à six mètres de diamètre, est dissimulée à l'intérieur des constructions qui bordent la rue Bailly, au cœur du magasin de fournitures pour le bâtiment "Gédimat" qui va du 5 au 9 de la rue. Un point de vente qui a fait peau neuve récemment et a dû se préoccuper de "sa tour", sous le contrôle des Bâtiments de France. On y est bien accueillis et la direction ne répugne pas à laisser les visiteurs observer le site et prendre des photos. On y voit l'intrados et l'extrados de la tour. Une ouverture en forme de porte permet de passer de l'un à l'autre.
L'aménagement du magasin comporte un faux-plafond qui masque la partie haute de la tour. On peut estimer sa hauteur à une dizaine de mètres néanmoins.
Détail croustillant qu'on ne va pas reprocher au gérant de ce magasin fort bien tenu : un angle de prise de vue un peu pervers montre côte à côte l'extrados de la tour, les marchandises en vente et la cuvette du WC attenant ...! (Photos VlM, cliquer gauche dans l'image pour agrandir)
Gérard Simonet