Village typique du Cap Corse : Nonza
Il a fallu que les vacances 2017 nous éloignent de Paris pour réaliser qu’il se passe assez loin de la capitale des évènements qui sont en résonance avec les combats que nous menons à Paris tout au long de l’année. Disons le tout de suite : vous allez être entrainés dans un tourbillon narratif qui mélange des sujets qui n’ont entre eux aucun rapport… en apparence.
Précisons pour commencer ce qu’est Canari. Un village du Cap Corse éclaté sur onze hameaux dont chacun a sa chapelle votive tandis que la piève (centre) bénéficie d’une église baroque de belle taille dédiée à Saint-François. Elle est attenante à un couvent qu’on doit aux moines franciscains qui l’occupèrent jusqu’en 1729, date de la première révolte des Corses contre les Génois. En représailles, les Génois l’incendièrent. En souvenir de Saint-François, le couvent, restauré désormais et transformé en gîte rural, a pour enseigne "i fioretti (les petites fleurs)", par référence au recueil qui porte ce nom, florilège anonyme de contes miracles et histoires merveilleuses sur la vie du saint.
Canari : le couvent « i fioretti » et l’église Saint-François (Photos VlM)
La configuration des lieux, avec l’église, le couvent et son cloitre, propices à la tenue de concerts et à l’hébergement des chanteurs et membres du jury, a donné l’idée à Jacky SCAGLIA, issu de la diaspora du village, de réaliser son rêve d’ancien chanteur de la Scala de Milan en lançant en 2003 un festival sous la forme d’un concours international de chant lyrique pour chanteurs d’opéra et opéra-comique. Il se déroule sur une semaine fin août début septembre.
L’initiative de Jacky SCAGLIA a bénéficié du soutien d’un des plus grands barytons que la France ait connu : Gabriel BACQUIER, un Leporello, un Rigoletto et un Falstaff mémorables. C’est sous son autorité qu’ont été ouverts le concours et une master-class, dont il a partagé la direction avec la soprano Michèle COMMAND, 1er prix de chant et d’art lyrique du conservatoire de Paris. Ils ont depuis cédé la présidence à Renée AUPHAN qui a dirigé avec autorité et compétence depuis 2002 l’Opéra de Marseille.
Il a fallu une étincelle dans les yeux de Jacky SCAGLIA pour que le projet prenne corps. De la même manière, c’est à Michel RAUDE que nous devons le festival du Marais dont l’idée a germé en 1961-62 sur la découverte de poutres peintes d’un plafond Louis XIII dans l’Hôtel de Vigny, rue du Parc Royal (IIIe). Il s’en suivit, avec la loi Malraux, un programme de restauration du Marais dont la première réalisation fut l’Hôtel de Marle, rue Payenne (IIIe). A la date d’aujourd’hui, tous les immeubles monuments historiques ont été sauvés et réhabilités (paradoxalement c’est l’Hôtel de Vigny, propriété des Thés Mariage Frères, celui par qui le sauvetage est arrivé, dont la restauration est la plus tardive).
Canari et le Cap Corse : un cadre et un panorama d'exception
Il serait présomptueux de prédire au festival de Canari un succès aussi massif que celui du Marais qui en 50 ans a vécu une renaissance et une mise en valeur qui en font le secteur le plus visité de Paris. Cependant nous constatons une similitude de destins qui nous invite, de part et d'autre de la Méditerranée, à faire savoir par le biais de nos moyens de communication respectifs notre satisfaction de constater que la musique, la vraie, celle qui s’exprime par la voix et les instruments, n’est pas prête à se laisser étouffer par la musique enregistrée et amplifiée, celle qui nous est infligée notamment par les débiteurs de boissons alcooliques à chaque occasion de "faire la fête".
Autre raison, face au tourisme de masse, nous constatons avec satisfaction que les médias commencent à réagir devant le péril qui menace les centres-villes historiques. Les élus qui ont la responsabilité de les gérer le font très mollement car leur ambition personnelle les pousse à attirer sur leur ville les projecteurs de la renommée. En cela, ils poursuivent une politique égocentrique qui fait peu de cas de l’intérêt national, et bâtissent leur réputation en sacrifiant au besoin le bien-être de leurs administrés ou des pans de leur patrimoine collectif.
C’est ainsi qu’on a maintenu Roland Garros à Paris au prix de la destruction partielle des Serres d’Auteuil en retirant à Versailles, qui n’a pas de contrainte d’espace, l’opportunité d’héberger le tournoi. C’est ainsi qu’on est prêts à grands frais à la Mairie de Paris à livrer en pâture les principaux monuments de Paris en 2024 pour accueillir le charivari que sont les Jeux Olympiques.
Annonce du palmarès 2016 par Renée AUPHAN
Face à cette grande braderie, il est réconfortant de se dire que la France dispose sur son territoire d’une multitude de sites comme Canari qui se surpassent pour offrir à leur échelle des spectacles d’une grande qualité, magnifiés par le cadre naturel dont ils bénéficient. Des spectacles qui ne doivent rien aux artefacts de l’électronique et à ses décibels et aux adjuvants trompeurs que sont l’alcool et les stupéfiants.
Nous voulons qu’ils aient une large place à Paris pour perpétuer le « Festival du Marais » qui a signé l’acte de baptême de son renouveau. Dans cette optique, Canari est pour nous l’occasion de le dire : nous soutenons avec force la musique vocale et instrumentale et souhaitons qu’elle occupe une place plus large encore dans l’image que les médias véhiculent du Marais.
« Vivre le Marais ! » qui combat sur deux fronts, le patrimoine collectif dont nous sommes dépositaires et la qualité de vie des habitants, s’associe à « Culture et Patrimoine » une association amie qui a vocation à faire connaitre ou redécouvrir Paris et le Marais, son centre historique et culturel, pour adresser leurs encouragements aux organisateurs du "Concours International de Chant Lyrique de Canari" et à toutes les communes de France pour que la culture se décentralise et draine en la répartissant la manne du tourisme. Nous espérons que ce parrainage soit un exemple suivi de relation décentralisée entre Paris et d’autres régions de France.
Des membres de nos deux associations ont décidé à titre personnel de financer un prix « Paris Marais » de 1.000 €. Nous serons membres du jury pour son attribution en comptant que le ou la lauréate poursuive avec nous à Paris des relations autour de son art ; des évènements auxquels nos adhérents et sympathisants seront conviés.
Gérard Simonet