Anne Hidalgo et Pierre Aidenbaum, compte-rendu de mi-mandat mairie du IIIe (Photo VlM)
Nous nous sommes rendus pour la forme aujourd'hui à ce compte-rendu de parcours rehaussé par la présence de la Maire de Paris Anne Hidalgo, que nous avons trouvée assez convaincante, si on exclut son couplet sur les Jeux Olympiques de 2024 qui ne persuade que ceux qui sont déjà convaincus. Pour la forme, car il y a longtemps que nous avons compris que ces grand-messes ne sont pas le lieu pour régler les difficultés qui se présentent dans nos quartiers. Il est significatif à ce propos de relever combien de fois le Maire s'est défendu en expliquant qu'il n'était pas compétent sur les sujets évoqués...
Il y avait dans la salle des fêtes plusieurs comités de défense : les riverains du Carreau du Temple qui souffrent de ses nuisances, ceux de la Corderie dont l'espace public est envahi, des utopistes qui militent pour que les 24.000 m² des 64-66 rue des Archives, soient rachetés par la Ville de Paris (avec quel argent ?) pour faire du logement social, des propriétaires de chiens qui voudraient un espace dédié une heure le matin et une heure le soir pour que leur animal ait le loisir de batifoler (sans laisse), sans compter la protestation diffuse et permanente contre les deux-roues motorisés ou non qui ne respectent pas le code de la route...
On ne traite pas ces sujets dans une arène entre interlocuteurs qui se conduisent en gladiateurs car la tension monte vite et dégénère en combat. La porte-parole d'un collectif en a fait les frais. Nous nous sommes toujours efforcés, dans notre action associative, d'aborder les dossiers en petit comité avec des personnes qui ont un pouvoir d'agir. Dans une réunion publique comme celle de ce matin, le combat des egos détruit toute chance de progresser dans un débat.
Le solo du Maire Pierre Aidenbaum, qui a précédé les échanges, nous a davantage intéressés. Il a rappelé ses engagements de campagne et fait le point de leur exécution en précisant que tous les objectifs seront atteints en fin de mandat en 2020. On peut lui en donner acte. Cependant on observe que chaque réalisation a son revers de médaille : l'amélioration du cadre de vie, qui est indéniable dans le IIIe, fait monter le prix du foncier et attire les visiteurs et le tourisme de masse qui à son tour est responsable de la malpropreté voire de la prolifération des rats....
De la même manière, la création de logements locatifs très sociaux, sociaux, classes moyennes et familiaux est en soi un bienfait. Malheureusement, l'absence de terrain dans les arrondissements du centre ne permet pas la création de logements, seulement la réhabilitation très couteuse de bâtiments inappropriés. A Paris et singulièrement chez nous dans le centre historique, on fait du logement social à un prix qui ne l'est pas. Il en résulte un déficit que le budget de la Ville doit absorber. Comme la Maire a pris l'engagement louable de ne pas augmenter les impôts, on a recours à la dette qui s'accroit. Il faudra bien l'honorer un jour et ce jour n'est pas forcément éloigné...
On s'aperçoit qu'un sujet peut être examiné suivant deux facettes, favorable ou défavorable. C'est notre honneur à "Vivre le Marais !" de nous efforcer de voir les deux et de laisser nos lecteurs décider en fonction de leur sensibilité propre.
Ainsi, à l'occasion de l'opération "bilan de mi-mandat" des maires d’arrondissement, Jean-François Leguil-Bayart adhérent de notre association a souhaité que soit publiée sur le blog de "Vivre le Marais !" la lettre ouverte à l'adresse du Maire du IIIe arrondissement, déjà publiée sur Médiapart. C'est un réquisitoire qui ne ménage pas la municipalité et son Maire mais l'analyse des dossiers est faite avec intelligence, au point qu'elle peut être utile aussi à ceux qui sont visés. Voici l'introduction de cette lettre. Ceux qui veulent la lire dans son intégralité devront cliquer en bas de page dans le lien "lire la suite" :
GS
Lettre ouverte de mi-mandat à M. Aidenbaum, Maire du 3e arrondissement de Paris
Monsieur le Maire,
Je ne me rendrai pas à la séance de compte-rendu de mi-mandat que vous proposez à vos électeurs, ce samedi 14 octobre. En effet, pour avoir assisté à plusieurs réunions que vous présidiez, j’ai pu constater que vous n’admettiez aucune critique et que vous vous emportiez contre les participants qui n’avaient pas l’heur de partager vos vues, rendant ainsi impossible tout débat démocratique, et même toute réflexion collective. Vous avez d’ailleurs traité les habitants du 3e arrondissement – ceux qui vous ont élu – d’ « enfants gâtés », dans une interview qui a fait date.
Il y a encore peu, vous avez pris à parti le président d’une association dont je suis membre, Vivre le Marais, parce qu’il osait mettre en doute le bien-fondé de la privatisation de la chaussée de la rue des Coutures-Saint-Gervais au profit d’une association, et vous avez tenu des propos étranges sur les « vieillards » qui, pourtant, sont des citoyens comme les autres, en affichant le jeunisme qui tient désormais lieu d’argument suprême – j’écrirai même supreme, pour la raison qui va suivre – dans l’équipe municipale de Paris.
Mais je tiens à nourrir le débat public sur votre action en espérant vous donner matière à réflexion, ainsi qu’à nos concitoyens. Puis-je me permettre de rappeler que chez le philosophe Jürgen Habermas, l’espace public n’est rien d’autre que l’exercice public de la raison ?
Comme de nombreux habitants du Marais, je déplore que vos mandats successifs, commencés sous les meilleurs auspices par l’éviction démocratique de la dynastie Dominati, de sinistre mémoire civique, ont malheureusement abouti à une dégradation constante de leurs conditions concrètes de vie. Cela ne signifie nullement que vous n’ayez rien fait de bon, ni que vous ayez été animé d’intentions mauvaises. Néanmoins, vous n’avez pas su, ou pas voulu, identifier et dépasser un certain nombre de contradictions sous-jacentes à votre politique.
Vous avez ignoré, ou récusé, parfois de manière méprisante, les avertissements ou les critiques qui vous étaient adressés, en vous comportant de plus en plus comme un potentat d’arrondissement. Vous vous êtes volontiers défaussé sur les autres pouvoirs régissant votre circonscription, la Ville de Paris et la Préfecture de Police de Paris, comme si votre qualité de maire, et même de doyen de la municipalité, ne vous donnait aucune influence sur ces décisionnaires. Vous auriez aussi pu vous appuyer sur vos électeurs pour infléchir l’action (ou l’inaction) de ces derniers, quand celle-ci s’avérait néfaste. Surtout, peut-être, vous avez été prisonnier de conflits d’intérêt dans lesquels vous vous êtes installé, par exemple en cumulant votre responsabilité de maire du 3e arrondissement et la fonction de président de la société publique locale du Carreau du Temple, ou de membre du conseil d’administration du Musée Picasso, au risque de sacrifier le bien-être et la santé des habitants de votre quartier, le respect de la loi et de la réglementation, la tranquillité et l’ordre publics.
Depuis votre élection, vous avez appuyé et accompagné la transformation du Haut-Marais en lieu de tourisme et de consommation de mass4. Dans le sillage de Hôtel de Ville, vous avez injecté des millions de visiteurs et de chalands dans un quartier complètement inadapté à ce déferlement humain. Or, Paris était déjà la première destination touristique au monde. Que vous fallait-il de plus ? Le bilan de cette fuite en avant est désastreux pour le 3e arrondissement.
Pour être aussi concret que possible, je ne prendrai que des exemples dont j’ai été le témoin direct, et parfois la victime, en tant qu’habitant de la rue Vieille-du-Temple. L’afflux des visiteurs dans le Marais se traduit par une dégradation de son patrimoine : les tags, l’affichage sauvage, les enseignes en mauvais anglais le défigurent, et l’augmentation des déchets alimentaires qui s’ensuit a rendu impossible le maintien de la propreté publique, au point de provoquer une invasion de rats qui a nécessité la fermeture de squares, ou la coexistence des rongeurs et de leurs usagers. Les usines culturelles et marchandes que sont devenus le Musée Picasso et le Carreau du Temple se sont inféodé l’espace public mitoyen en l’occupant et/ou en soumettant le voisinage à des nuisances sonores insupportables.
Pas plus tard que ce dimanche 8 octobre, le Musée Picasso a fait interdire par la police la circulation des piétons – oui, la circulation des piétons – rue des Coutures-Saint-Gervais pour sécuriser l’accès de la réception qu’il donnait en ses jardins, avec pour invité d’honneur le président de la République, venu, il faut l’admettre, en petit appareil pour le vernissage de l’exposition « Picasso 1932 ». Et ce au mépris d’une liberté publique fondamentale, celle d’aller et venir, et des riverains, contraints de faire le détour par la rue Debeylleme pour atteindre la rue de Turenne, voire de renoncer à recevoir à leur domicile leurs parents ou leurs amis : le Musée Picasso, notre nouveau suzerain, en son hôtel Salé, celui d’un fermier général… L’impératif de la Sécurité, protestera-t-on ! Entendu d’Europe du Nord ou de Suisse, l’argument est surréaliste, hormis même le fait que ce n’étaient pas les deux policiers sympathiques qui fermaient la rue avec une barrière métallique et une mitraillette qui allaient dissuader Daech. Si les huiles de la République ne peuvent pas frayer avec les manants sans avoir peur, qu’elles restent dans leurs palais, et ne bloquent pas nos quartiers.
La privatisation de l’espace public par les commerçants est une autre plaie de cette marchandisation outrancière du Marais. Votre bilan en la matière, Monsieur le Maire, est un échec complet, soit que vous n’avez pas su faire, soit parce que vous avez été complaisant à l’égard des fauteurs de trouble qui ne manquent pas d’entregent et se livrent à un lobbying éhonté. Pour nous en tenir aux environs du square Leonor-Fini et du Musée Picasso, le café Saint-Gervais, la pizzeria Pink Flamingos, la brasserie de La Perle, depuis des années, ne respectent pas la règlementation relative au droit de terrasse, et notamment pas le libre passage des piétons.
Depuis un an, le magasin Supreme occupe le trottoir de la rue Barbette au vu et au su de la police en déployant dans le quartier son propre service d’ordre, et abonde un commerce illicite de sa marchandise dans le square Leonor-Fini et sur les trottoirs de la rue Vieille-du-Temple sans que ni le commissariat ni le fisc ne s’en émeuvent (les revendeurs se vantent de réaliser un bénéfice de quelque 1 000 €, en espèces, par jeudi après-midi). Là aussi, les victimes de cet état de fait, de cet illégalisme de masse sont les résidents – vos électeurs. Depuis des années, leurs plaintes sont tenues pour menue monnaie et n’ont jamais eu d’effets.
Un nouveau cap semble avoir été franchi cet été avec la suspension de la ligne du bus 29, le matin, de 6h15 à 7h, entre la rue de Turenne et la rue aux Ours, pour permettre les livraisons du Monop de la rue des Haudriettes par des camions semi remorque qui sont à eux seuls un scandale dans ce quartier – un manquement à la continuité du service public, et une escroquerie au détriment des possesseurs d’un Navigo, dont s’est rendue coupable la RATP sans que cela vous émeuve outre mesure (ne vous en déplaise, c’est l’association Vivre le Marais qui a obtenu de la Ville de Paris le rétablissement du parcours normal).
Enfin, l’opération « Paris respire » – un Paris abstrait, non pas les habitants du Marais, qui endurent maintenant des embouteillages dominicaux – a rendu invivable le quartier le dimanche. La foule compacte de badauds et de consommateurs déambulant sur la chaussée et paralysant la circulation des piétons eux-mêmes, les attractions bruyantes, la distribution de flyers, la mendicité organisée transforment en enfer les rues des Francs-Bourgeois et Vieille-du-Temple, ainsi que les voies adjacentes. Le comble est que cette opération prétendument écologique se traduit par la suppression des transports publics desservant le périmètre piétonisé, à savoir la décidément malmenée ligne du 29 qui est détournée le dimanche alors qu’elle dessert deux gares.
De même, la discrimination positive en faveur des deux roues motorisés, auxquels ont été accordés d’innombrables parkings gratuits, est une aberration environnementale. Outre que des incendies criminels de motos qui y sont stationnées ravagent depuis plusieurs années, à intervalles réguliers, des immeubles du 3e arrondissement, au péril de la vie de leurs habitants, outre que les coffres de ces engins garés perpendiculairement au trottoir empiètent sur celui-ci et gênent le passage des piétons, les deux roues motorisés sont polluants, sales, bruyants et dangereux. Par ailleurs, mieux vaut, pour les riverains, avoir sous leurs fenêtres trois voitures que douze motos, en termes de rotations et de nuisances sonores.
A force de crier haro sur l’automobile, on en oublie certaines évidences : par exemple que la bicyclette, silencieuse et affranchie de toute notion du Code de la route, n’est pas la meilleure amie du piéton, surtout quand elle est un vélo de course piloté par un livreur de Deliveroo et qu’elle roule sur les trottoirs ou en sens interdit ; ou que les places de stationnement résidentiel, systématiquement supprimées ces dernières années, étaient plutôt un gage de tranquillité pour le voisinage ; ou encore que la circulation automobile est la meilleure défense contre la dégradation d’un quartier du fait de sa piétonisation, sur le modèle hideux des ilots de l’Horloge et de Beaubourg, dans le 3e arrondissement, … ou de la rue des Francs-Bourgeois, le dimanche. Ce n’est peut-être pas politiquement correct de l’écrire, mais c’est pourtant la réalité vécue par nombre d’habitants du Marais.
Une autre conséquence de la transformation du 3e arrondissement en quartier de tourisme consumériste de masse est l’aliénation d’une bonne part de son habitat en locations saisonnières, la flambée des loyers qui en découle, et l’explosion du mètre carré qui fait des propriétaires des riches malgré eux, assujettis à l’ISF et à des droits de succession prohibitifs qui empêcheront la transmission familiale de leur patrimoine. Car tel est le cruel paradoxe du 3e arrondissement : ses habitants doivent payer de plus en plus cher – en alimentation, en biens de consommation, en frais de logement, en impôts locaux – pour vivre de plus en plus mal, dans un bruit continu de valises à roulettes et de beuglements avinés.
Ce à quoi vous objecterez qu’ils peuvent toujours déménager s’ils ne sont pas contents. C’est ce que nous disent les consommateurs de La Perle quand on leur demande de faire silence. C’est ce que l’on nomme la purification sociale, ou la gentrification, au profit d’une petite élite internationale de propriétaires absentéistes, de locataires hebdomadaires et de commerçants généralement non résidents. Est-ce bien la vocation d’un maire que de cautionner ou de favoriser cette évolution ? Et ces conseilleurs sont-ils les payeurs ? Déménager n’est pas toujours financièrement aisé : outre les frais de notaire et les coûts du déplacement, la cession d’une résidence principale, si elle échappe à la taxation de la plus value, est soumise à la CSG.
Bref, les habitants du 3e arrondissement sont pris dans un piège, un piège que vous leur avez tendu, sans doute à votre corps défendant, mais faute d’avoir réfléchi aux contradictions de la politique que vous meniez, ou que vous assumiez en tant que membre de la majorité municipale et, parfois, nationale.
La question de fond est, en effet, votre choix de faire du 3e arrondissement, en particulier, de Paris, de manière générale, une ville de tourisme et de commerce de masse. La transformation du Marais en « zone touristique internationale », à la faveur de la loi dite Macron, a été une étape cruciale de cette politique, qu’avait anticipée l’opération « Paris respire ». Ne faites pas valoir qu’Anne Hidalgo y était opposée. Cette loi a été adoptée par un gouvernement que vous souteniez en tant que suppléant de notre députée de l’époque, et vous avez vous-même poursuivi une politique municipale congruente par rapport à ce texte législatif. Ne répondez pas non plus que cette évolution est mondiale, et que les responsables politiques ne peuvent y résister. Ne répondez pas plus que Paris est en compétition internationale avec d’autres métropoles et que sa nuit « se meurt », comme l’affirment avec un aplomb d’arracheur de dents les limonadiers qui hantent les couloirs de l’Hôtel de Ville et des mairies d’arrondissement pour faire avancer leurs petites affaires et leur gros bruit.
La vérité est que les édiles de New York, de Londres, de Berlin, d’Amsterdam, de Barcelone prennent depuis plusieurs années des mesures concrètes contre Uber, Airbnb et les prédateurs de l’espace public et de la nuit – des mesures que vous vous êtes refusé de prendre ou d’encourager, tout en vous dissimulant derrière des atermoiements et des gesticulations qui ne trompent pas les habitants de votre arrondissement : une commission par ci, une proposition de loi par là, pour surtout ne pas avancer.
Voulez-vous que Paris devienne une nouvelle Venise, une ville off shore, vouée au commerce de fringues et de bimbeloteries, dont l’anglais de bazar sera la nouvelle langue véhiculaire, et où viendront travailler – certes, en bus électrique ! – ses anciens habitants, qui auront été chassés vers sa périphérie ? Non, sans doute pas. Mais c’est l’avenir que vous nous avez préparé avec votre action brouillonne et bling-bling.
A mi mandat, la majorité municipale à laquelle vous appartenez se donne comme objectifs la piétonisation du Marais, l’accueil des Jeux Olympiques, et celui de l’Exposition universelle. Chacun de ceux-ci sera un cataclysme financier et environnemental pour les habitants du 3e arrondissement. Les expériences en laboratoire ont déjà été faites : l’opération « Paris respire » du dimanche, et les précédents Jeux olympiques dans diverses capitales étrangères, qui en sont toutes sorties endettées, voire ruinées. Si l’on en croit le Canard enchaîné et Mediapart, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que ces projets funestes dégagent une odeur sinon de corruption, du moins de gabegie. La moindre des choses eût été de consulter par référendum les principaux concernés : vos électeurs. Vous vous en êtes bien gardé, connaissant par avance le résultat de telles consultations.
Ne vous étonnez donc pas, Monsieur le Maire, si des listes indépendantes se présentent lors des prochaines municipales pour rendre aux Parisiens la maîtrise de leur destin, comme cela s’est produit à Barcelone.