Raphaël Feuillâtre - 26 ans - et son instrument
Nous nous sommes rencontrés brièvement à l'occasion du concert de guitares COPLA du 14 juin 2022 où il était venu entendre cette formation de six guitares classiques en la cathédrale Ste Croix des Arméniens, dans le cadre des Moments Lyriques du Marais.
Il se produisait ce vendredi 25 novembre dans la salle du théâtre Traversière à Paris XIIe, à l'occasion du "Festival International de Guitare" et du Concours International de Guitare de Paris. Nous y étions car j'ai une passion personnelle pour cet instrument, son timbre, ses couleurs et ses capacités polyphoniques de "petit orchestre" (Berlioz).
Je m'y suis intéressé dès les années 50/60. Andrès Segovia régnait en maitre sur l'instrument, avec Ida Presti, mais déjà pointait la relève avec John Williams et Julian Bream. On admirait Segovia pour sa maitrise de l'instrument et la qualité de ses transcriptions pour la guitare. Son chef-d’œuvre inégalé en la matière est resté la Chaconne en ré mineur pour violon seul de J.S. Bach. Au point que certains musicologues se sont demandé si l’œuvre originale n'avait pas été écrite pour la guitare....
Andrès Segovia fascinait mais avec le recul on doit reconnaitre que son exécution n'atteignait pas la perfection. Il privilégiait les effets jusqu’à "tricher" un peu avec le tempo pour se donner le temps de changer de position, abusait du "rubato" et ne parvenait pas à éviter les grincements parasites des doigts sur les cordes. On lui pardonnait tout car c'était Segovia et personne ne faisait mieux.
Les nouvelles générations ont réussi à dépasser ces difficultés et atteindre l'excellence. En écoutant Raphaël Feuillâtre, lové sur son instrument dans une posture qui lui est personnelle, on découvre la perfection dans l'exécution. Il est irréprochable dans l'usage classique de l'instrument et impressionnant dans les effets qu'il sait en tirer : toucher des cordes (ongle vs pulpe), jeu en harmoniques, trémolos, rasgueados, effet tambour sur la table d'harmonie... au point d'apparaitre comme un magicien dont l'instrument est l'esclave consentant.
Sa virtuosité serait vaine si elle ne servait pas la musique. Raphaël met heureusement son talent au service de l'émotion qu'il crée chez l'auditeur. Viendra-t-il un jour dans le Marais pour se produire ? Nous sommes prêts quant à nous à lui réserver un accueil digne d'un grand soliste.
Gérard Simonet
Écoutez son interprétation du prélude n° 5 de Heitor Villa-Lobos