Nous vous convions aujourd'hui à travers le Marais IIIe arrondissement, hors des sentiers battus et balisés par les guides, à la découverte d'un empire immobilier qui appartient en quasi totalité à France Telecom. Dans une surface qui s'inscrit dans le carré constitué par les rues du Temple, Pastourelle, Archives et Haudriettes, ce ne sont pas moins de douze bâtiments, de style et d'époque différents, qui appartiennent au grand opérateur français.
En regardant ces immeubles entourés de mystères, qui défrayent la chronique parce qu'ils sont délabrés, abandonnés, livrés aux S.D.F., ou parce qu'ils jurent avec l'architecture ambiante, on ignore généralement qu'ils ont, dans leur diversité, en France Telecom, un propriétaire commun. France Telecom est devenue une entreprise comme les autres mais elle conserve en vertu de son passé une image institutionnelle bienveillante et protectrice qui lui interdit d'être médiocre.
Avec l'appui du Maire du IIIe, Pierre Aidenbaum, nous avons réussi à en savoir un peu plus sur le devenir de ces immeubles, qui nous semblent appelés désormais à vivre chacun leur vie.
Le patrimoine France Telecom rue du Temple : du 106-108, avec son porche sordide, à l'immeuble d'angle du 35 rue Pastourelle, ses fausses arcades et ses vraies nuisances. D'un cloaque à l'autre.
Peu de gens s'en doutent, mais ce bâtiment est un des fleurons de l'architecture du XXe siècle. Sa façade, construite en béton banché est l'oeuvre de François Lecoeur. Elle est laide parce qu'elle est sale et que son porche est maltraité. L'intérieur a déjà fait l'objet d'un curage soigné ; avant la fin du premier semestre 2008, elle sera ravalée et nous découvrirons avec étonnement que son style art déco ne manque pas de grandeur. France Telecom pense vendre ce bâtiment à usage de bureaux, mais pourrait continuer à l'occuper comme locataire.
Ce qui devrait être le 112, si son porche n'avait pas été condamné, fait encore bonne figure avec sa belle façade en pierres du XVIIIe. Le bâtiment se prolonge très loin à l'arrière vers le nord et l'est. France Telecom n'a pas l'intention de s'en séparer.
En revanche, le 114 a été vendu à l'Etablissement Public de Santé Esquirol pour la création d'un centre d'accueil de jour des malades mentaux. Cette affectation est confirmée par le cabinet du Maire.
Au-delà, nous atteignons un ensemble de constructions du XVIIe qui forment l'angle des rues du Temple et Pastourelle, avec une entrée au n° 35. Les arcades qui bordent le trottoir n'en sont pas : elles ont été creusées sous les maisons pour donner aux trottoirs leur largeur. L'immeuble leur doit sa survie car, frappé d'alignement, il aurait pu être détruit au moins partiellement. Il est habité mais pas entretenu. Les "arcades" sont un lieu de garage des motos et d'épanchements d'urine, qu'on évite ostensiblement quand on passe par là. France Telecom cherche à le commercialiser. Il serait souhaitable qu'un rénovateur, capable d'un gros effort d'investissement et de créativité, transforme cet ensemble en une résidence susceptible, par sa qualité, de nous faire oublier les haut-le-coeur qu'elle a provoqués, pendant de longues années, sur les habitants du quartier.
Nous sommes maintenant rue Pastourelle. L'immeuble de la Poste, lui aussi, appartient à France Telecom qui loue le rez-de-chaussée à son ancien partenaire dans les PTT de Papa. Il se poursuit sur la rue des Archives. Son architecture stalinienne ne lui laisse aucune chance de s'intégrer dans le cadre environnant, qui bénéficie côté pair d'une succession d'Hôtels de belle facture : Montescot, Villeflix, Chaillou de Jonville, Le Pelletier de Suzy et Amelot de Chaillou, entre les n° 70 et 78. A défaut d'être beau, il pourrait être propre. Bonne nouvelle, France Telecom a lancé des études pour le ravalement de tous ces bâtiments qui ont fait l'objet de multiples injonctions du Maire. Un programme de travaux sera communiqué prochainement au Maire.
Une tâche qui s'impose : loger les sans abris qui occupent le porche du 63, qui est condamné, le nettoyer et le rendre salubre en cherchant à le valoriser. Un projet de grille est en discussion avec l'Architecte des Bâtiments de France
A deux pas de là, le porche du 61 fait bonne figure avec ses caryatides penchées qui soutiennent le balcon. Les puristes affirment que ce bâtiment, comme le 63, construit en 1910, est une injure au Marais. C'est vrai sans discussion pour l'immeuble de la Poste. Soyons francs, celui-ci ne nous choque pas particulièrement dans son contexte.
La promenade se termine avec le 57-57bis. L'agence commerciale France Telecom a disparu. Le local qui est un lot de copropriété a fait l'objet d'une acquisition par un grand peintre de renommée internationale, qui d'ailleurs exposera en juin au Grand Palais sous la grande nef.