Façade de l'hôtel de Coulanges, 1bis place des Vosges, occupé depuis le 28 octobre par un collectif d'étudiants.
Cet hôtel jouxte le "Pavillon du Roi" (1 place des Vosges), qui ouvre sur trois porches l'accès de la rue de Birague à la célèbre place. Sa construction date de 1607. Une plaque rappelle que Marie de Rabutin Chantal , marquise de Sévigné, y est née le 6 février 1626.
Il appartient actuellement à Mme Béatrice Cotin. Beaucoup plus jeune alors (elle est âgée aujourd'hui de 87 ans), elle entreprenait la réhabilitation du vaste ensemble que constitue l'hôtel, dès 1964, dans le but de le rendre habitable. L'intérieur porte les traces des travaux effectués, dont certains restent inachevés.On dit qu'elle s'est usée dans une relation difficile avec les Bâtiments de France. Chacun était dans son rôle : elle pensait confort et rentabilité, les architectes du Ministère de la Culture, au nom de la sauvegarde et de la mise en valeur du Marais, ne voulaient rien sacrifier du patrimoine exceptionnel qu'abrite l'hôtel.
Le résultat de cet affrontement, voué malheureusement à l'échec, est un bâtiment en déshérence où des pigeons ont réussi à nicher dans les recoins et à répandre leur fiente, des canalisations percées et des armoires électriques éventrées. Les chantiers de l'époque sont restés en l'état. En le parcourant, on est dans l'univers de le Belle au Bois Dormant.
Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'une quarantaine de jeunes gens, tous étudiants, dont 5 en architecture, qui ne parviennent pas à se loger dans des conditions décentes, aient eu l'idée et l'ont exécutée, d'occuper l'ensemble du bâtiment en annonçant qu'ils veilleraient au respect de son patrimoine (il est interdit, par exemple, d'y fumer).
Nous proposons à nos lecteurs de faire avec eux une visite commentée des lieux, sous la conduite de Laurent Dubouchet, l'un de ces étudiants
Escalier avec rampe en fer forgé (gauche) et ascenseur remarquablement dissimulé (droite)
Poutres et solives peintes, une véritable merveille.
Grande salle et cheminée (le détail, à gauche, est peut-être "Empire" mais un lecteur attentif et compétent pense que la cheminée est de style "école de Fontainebleau", XVIème siècle, et serait donc d'époque).
Quelle sera l'issue de l'affaire ? En tout état de cause, l'objectif du collectif est atteint : faire un coup d'éclat pour sensibiliser les pouvoirs publics et l'opinion à leur situation. Une procédure en référé est en cours. Il est possible que le juge ordonne l'expulsion. Est-il réaliste, du reste, que les étudiants restent là, sans eau, sans chauffage, sans sanitaires, sans électricité ? La réponse est évidemment : non. Ils auront montré, toutefois, leur sens des responsabilités et du respect du patrimoine collectif. Cette attitude les assure de notre estime et, nous l'espérons, l'engagement des pouvoirs publics pour une solution durable à leurs difficultés.
Qu'en sera-t-il ensuite de la sauvegarde de ce lieu prestigieux ? l'arrivée d'un investisseur ou d'un mécène éclairés ? l'intervention de l'Etat ou de la Ville (très pauvres en ce moment !) ? On a du mal en tout cas à imaginer le statu quo.
Post Scriptum #1 du 6 janvier 2010 : L'affaire est passé au tribunal d'instance du Ve aujourd'hui. Le délibéré sera rendu le 18 janvier. La propriétaire (87 ans), représentée par sa tutelle, a demandé l'expulsion sous astreinte et des indemnités par jour d'occupation. La trêve hivernale ne s'applique pas ici car il y a eu occupation sans bail, avec effraction.
Post sriptum #2 du 18 janvier 2010 : le délibéré a été rendu par le tribunal du Ve le 17 janvier 2010. Les squatters sont condamnés à être expulsés, si besoin est en faisant appel à la force publique. Il leur est laissé une semaine par partir de leur plein gré. Ils devront payer une indemnité de 3.400 € par mois d'occupation depuis le 31 octobre 2009. A partir du 26 janvier, s'ils occupent toujours les lieux, l'indemnité passera à 25.000 € par mois. Les dédommagements réclamés par la propriétaire étaient beaucoup plus importants, de l'ordre de 150.000 €.
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Post scriptum du 1er octobre 2010 :
Un nouvel article a été publié en date du septembre 2010. Lire l'article.
Post scriptum du 22 octobre 2010 : la cour d'appel confirme le décision d'explulsion et le paiement d'indemnités. Toutefois, celles-ci sont allégées par rapport à la décisoin de première instance
Post scriptum du 23 octobre 2010 : la préfecture de police a procédé dans la nuit à l'évacuation des occupants
Gérard Simonet