La maison tropicale de Jean Prouvé
Tous ceux et celles qui passent devant le Centre Pompidou rue Beaubourg (IVe) n'imaginent pas que ce bâtiment a un lien avec Jean Prouvé le célèbre designer et architecte dont les productions, qu'il s'agisse de meubles de ferronnerie d'art, de prototypes, de constructions... atteignent des sommets dans les ventes aux enchères et chez les antiquaires spécialisés. L'un d'eux a été installé un temps rue Vieille du Temple (IIIe).
Pourtant Jean Prouvé, fils du peintre et sculpteur de l'école de Nancy, Victor Prouvé, fut le président du jury international qui en 1971 imposa le projet des architectes Renzo Piana et Richard Rogers. Nombreux furent à l'époque ceux qui ont vu dans ce choix l' «héritage culturel» de Prouvé pour cette construction "avant gardiste" (structure en acier plié et flexibilité des espaces).
Il est difficile de résumer en quelques lignes Jean Prouvé. Ferronnier d'art de formation, on lui doit le portail d'entrée de la fameuse Villa Reifenberg à Paris dont l'architecte fut Robert Mallet-Stevens ou la porte du casino de Saint-Jean de Luz. Il se rend vite compte que son avenir est plutôt de suivre les évolutions de la société et de concevoir des productions industrielles de meubles et même de maisons plus économiques, plus fonctionnels et donc plus abordables en termes de prix.
Il dessine et produit dans ses ateliers qu'il crée en 1931 dans la banlieue de Nancy, il a alors 30 ans et travaille pour de ombreux ouvrages, des sanatoriums, la maison du peuple à Clichy... Humaniste, il octroie alors à son personnel les congés payés et l'intéressement bien avant que les lois ne les rendent obligatoires. Après la guerre, ne pouvant pas faire face seul aux investissements nécessaires pour développer son affaire, il fait appel à des investisseurs qui l'évinceront de son entreprise.
Qu'à cela ne tienne il en fondera une autre car Jean Prouvé n'en a pas fini pour autant, il se voit d'ailleurs confier la réalisation du pavillon du centenaire de l'aluminium en 1954 qui sera monté sur les quais de Seine. Il participe aussi à la construction et l’aménagement de résidences universitaires. Les chaises et tables en tôle pliée et contreplaqué où certains d'entre nous ont usé leurs fonds de culotte sont de sa création dans les années 50.Toujours le même souci de parvenir à des bas coûts de production. Le paradoxe veut qu'aujourd'hui ce mobilier «industriel» est davantage coté que des pièces d'époque Louis XVI faites entièrement à la main !
La fameuse chaise de Jean Prouvé qui est toujours reéditée
Jean Prouvé a travaillé sur «la maison des jours meilleurs» voulue par l'abbé Pierre, à un prototype de maison tropicale mais aussi sur le siège du parti communiste place du Colonel Fabien, pour l'aérogare d'Orly Sud, le CNIT et la tour Nobel à La Défense, le musée du Havre, le Palais Omnisports de Bercy ...ainsi que des réalisations à l'étranger. Il a inventé de nombreux procédés spécifiques de construction dont le plus connu est la «toiture réticulaire à surface variable».
Comme professeur au CNAM, il a pu transmettre à ses étudiants son savoir et son expérience sur la construction industrielle tout en défendant, ce qui a été son souci constant, l'intégration des constructions dans leur environnement.
Dominique Feutry