La Tour Saint-Jacques et le Square 39 rue de Rivoli (IVe)
Les visites de la Tour Saint Jacques viennent de reprendre avec l’arrivée de l’été. Cette immense tour gothique flamboyant située au cœur du square du même nom 39 rue de Rivoli (IVe) constitue le dernier élément de l’église Saint Jacques de la Boucherie détruite à la Révolution.
Il est difficile de connaitre exactement la date d’origine de la première construction effectuée en ce lieu. Trois niveaux de constructions ont été trouvés sur l’emplacement de l’église détruite sous la Révolution. Il semble qu’une église ait été édifiée sur l’emplacement d’une chapelle à cheval sur les XIe et XII siècles. Sans doute remaniée durant le XIVe siècle, elle possédait les reliques de Saint Jacques dit le Majeur ce qui en faisait un lieu de pèlerinage. C’est le roi Charles VI qui autorisa la corporation des bouchers installés alors sur son pourtour à fonder leur chapelle à l’intérieur de l’église d’où son nom « de la Boucherie ». L’église ne fut réellement consacrée qu’en 1414.
Gravure représentant l'église Saint-Jacques de la Boucherie (IVe)
Le clocher, c’est-à-dire la tour actuelle, fut installé plus tard au début du XVIe siècle. Sa partie supérieure est très ouvragée et contraste avec la simplicité de sa base. Elle est alors surmontée d’une plate-forme avec quatre animaux ailés sculptés représentant les évangélistes et sur laquelle est posée une statue géante de Saint-Jacques (6 m) qui fut renversée à la Révolution sous les applaudissements des parisiens présents. La tour culminait alors à 55 m. Il est utile de souligner que jusqu’au règne de Louis XII, le prédécesseur de François Ier, qui le supprima, l’église jouissait du droit d’asile, ce qui protégeait les condamnés de la justice royale. Ce droit fut malheureusement plusieurs fois violé.
Ainsi que nous l’avons écrit dans un article du 26 février 2013 de nombreux personnages importants de la finance, des nobles, des marchands, des bouchers se firent inhumer dans cet édifice, à commencer par Nicolas Flamel (il avait financé un des portails) ou Jean Fernel le médecin de Catherine de Médicis.
Lion ailé figurant Marc au haut de la Tour et les détails de la dentelle de pierre se trouvant au-dessous
En 1797, l’église et la tour sont déclarés biens nationaux et vendus à un dénommé Dubois qui en fit une carrière. Heureusement le contrat de vente interdisait de détruire la Tour. Mais comme elle servit de fonderie de plomb de chasse, ce qui ne plaisait guère à certains habitants, ceux-ci poussèrent la Ville de Paris à la racheter, ce qu’elle fit en 1836. Elle acquit par la suite aussi en 1852 le terrain autour où avait été construit par les héritiers Dubois un grand marché de vêtements et de linge avec ses ruelles et son organisation qui fonctionna pendant 28 ans. C’est ainsi qu’est né le square actuel, la restauration notamment de la tour très abîmée est confiée à Théodore Ballu. Plus près de nous, en 2007, la Ville de Paris a entrepris une importante restauration des lieux.
Qui imagine aujourd’hui l’opulence, liée à la richesse de la coporation des bouchers, qui a pu régner dans cette paroisse, le curé était alors un personnage très important. Les paroissiens étaient si nombreux que l'on rapporte que certains suivaient les offices à l'extérieur. Se représente t-on les rassemblements au pied de l'église pour le pélerinage de Saint-Jacques de Compostelle ? Sait-on que la Tour a servi aux expériences barométriques de Pascal (sa statue est à la base de la Tour) ? Enfin pouvons-nous concevoir que le clocher était équipé d’un carillon de 12 cloches, avec son carillonneur, la plus grosse cloche étant prénommée le « Gros Jacques » .
Dominique Feutry