Le bruit, source de nuisance numéro 1 pour les habitants de Paris Île-de-France. (Illustration mairie d'Île de France)
Chacun aura remarqué le matraquage médiatique auquel nous sommes soumis depuis plusieurs semaines sur le thème de la vie nocturne de Paris qui, selon les professionnels de la boisson et de la nuit, serait menacée d'extinction.
C'est complètement à l'opposé de nos constatations, et les chiffres sont là pour conforter notre analyse : Paris est la ville de très loin la plus visitée au monde (29 millions de touristes par an, selon Wikipédia) et il n'y a aucune raison de penser que cette masse de gens ne participe pas à l'activité de la nuit.
Pourquoi alors l'acharnement de ces professionnels à vouloir démontrer l'absurde en culpabilisant les pouvoirs publics (trop rigides) et les habitants (trop grincheux ) ? Nous avons notre explication : l'a-vi-di-té. Leurs affaires marchent, si nous en jugeons par la fréquentation que nous observons tous les jours des bars, brasseries, restaurants, discothèques et autres lieux de vie, mais pourquoi ne pas tirer partie de la conjoncture pour tenter d'accroître chiffre d'affaires et profits ?
On les a entendus à la réunion le 1er février de "l'observatoire des lieux de vie et de diffusion musicale", créé par la Ville en 2004. Le réseau "Vivre Paris !" y assistait. Ce que nous avons retenu de leurs interventions est une déclaration de guerre. On nous accuse d'être de plus en plus "grincheux", comme si ce trait de caractère était indépendant de l'environnement auquel nous sommes soumis, seul responsable en réalité des protestations de certains d'entre nous.
On nous reproche d'acheter des logements près d'établissements bruyants et de déposer des plaintes ensuite pour tapage excessif. Comme si la loi en France était à géométrie variable, plus protectrice des anciens habitants que des nouveaux. Cette argumentation est tellement affligeante que nous nous demandons si ceux qui la développent ne vivent pas sur une autre planète.
Les pouvoirs publics sont aussi la cible de leurs attaques. La Préfecture de Police est accusée pour les fermetures administratives qu'elle décide. Pour avoir participé à une ou deux reprises au processus qui conduit à cette décision (modulée et progressive : 3 jours, puis neuf jours, etc ...), nous attestons qu'il faut que l'établissement ait tué père et mère pour en arriver là. Et surtout ignoré les avertissements puis les mises en demeure. Il faut que les gérants d'établissement arrêtent de manier cette fiction.
La Mairie de Paris est sollicitée pour financer l'insonorisation des locaux. Y a-t-il une logique que les habitants de Paris financent de tels travaux par leurs impôts alors qu'il suffit de maîtriser le bruit avant de songer à se calfeutrer ?
Une chose est claire pour nous cependant : le décret de 2006, qui fixe par exemple à 3 décibels les émergences sonores acceptables de nuit, n'est pas négociable. 3 décibels, sur l'échelle logarithmique des bruits, correspond à un doublement du bruit ambiant (*). Les gens qui vivent, étudient, travaillent et quelques fois souffrent de maladie dans les immeubles parisiens, qu'ils soient jeunes ou vieux, ont le droit de dormir pour récupérer la nuit.
Les représentants de la profession agitent le spectre de la concurrence de Barcelone et de Berlin, où les lois seraient comparables aux nôtres mais la police moins "tatillonne". D'abord, elles sont loin derrière nous en matière de fréquentation, ensuite Berlin est une ville peu dense avec des espaces déserts où le bruit ne gène personne, alors que Paris avec ses 240 hab/ha (APUR) est haut placée dans le classement des villes les plus denses du monde. Enfin, chacun reconnaît que Barcelone est championne en matière de beuveries nocturnes. Est-ce bien un modèle que nous voulons suivre ?
On reparlera de ces sujets à l'occasion des "états généraux de la nuit" que l'élu de Paris, président du groupe communiste à la Mairie de Paris, Ian Brossat, entend organiser en juin, si toutefois il nous y convie. Sa première tentation a été de le faire sans nous. Le "Réseau Vivre Paris !" entend bien être partie prenante.
Il nous est agréable de conclure sur une note optimiste. L'état de guerre que nous dénonçons n'empêche pas l'entente au niveau local. Plusieurs patrons de bars/discothèques sont membres de notre association et ont compris qu'un dialogue avec nous est souvent en mesure de recréer l'harmonie entre professionnels et riverains. Quand la paix peut être obtenue par une action légère sur un potentiomètre de sono, beaucoup d'exploitants sont sans doute prêts à y souscrire.
(*) doublement = 100% de hausse ou facteur 2 sur le volume sonore. Définition du bel : logarithme décimal du rapport des volumes, soit logarithme de 2, qui vaut 0,30103 bels (tables de Bouvard & Ratinet) ou 3,0103 décibels