Dans les arrondissements centraux de Paris, où l'agitation bat son plein, les riverains ont laissé libre cours à leurs rêves bucoliques.
Aux "Européennes" de 2009, la liste des Verts s'était placée en tête dans trois des quatre arrondissements du centre (35 % dans le IIe). Aux "Régionales" de 2010, la même tendance se manifeste à l'issue du premier tour. Certes, Jean-Paul Huchon s'en sort mieux que Harlem Désir, tandis que l'UMP est à peu près stable, mais les Verts font bonne figure dans le Ier, caracolent en tête dans le IIe, talonnent le PS dans le IIIe et sont tout proches de l'UMP et du PS dans le IVe.
Les Verts, à tort ou à raison, et malgré le parfum d'utopie qui les entoure, malgré la perplexité voire la désapprobation que suscitent leurs prises de position sur certains sujets de société, sont associés dans la pensée collective à la défense de la qualité de vie dans les quartiers qui souffrent le plus de l'invasion de l'espace public, des désordres en tout genre, de la pollution et du bruit.
On les trouve en tête dans les quartiers les plus touchés, au sommet desquels se place Montorgueil, présenté jadis comme le laboratoire d'un urbanisme écologique, dont le Maire, Jacques Boutault, est obligé désormais de combattre les dérives, soutenu par ses administrés dont il a réussi néanmoins à garder la confiance.
Ils commencent à peser dans le Ier où l'UMP reste dominant, car "les Halles" sont là avec leur cortège de nuisances et leurs terrasses invraisemblables, dans la continuité du IIe, de Montorgueil et de St Denis.
Ils font jeu égal avec les deux grands dans le IVe, qu'on présente souvent comme le pôle magnétique de la fête dans le Marais. Ils talonnent le leader PS dans le IIIe, bastion socialiste, que les désordres nocturnes commencent à envahir, attisés par la rue de Bretagne, haut lieu de la mode et de la création, arrosés par le chapelet de bars de jour et de nuit, qui jalonnent l'axe est-ouest de La Perle à Michel le Comte, et qui lancent leurs métastases sur des lieux inattendus comme la rue des Gravilliers.
Faute d'avoir accordé suffisamment d'attention aux attentes des habitants, les partis dominants se partagent ce qui reste. Leurs prises de positions récentes sur les revendications des professionnels de la boisson et de la nuit, en dépit des mises au point qui ont suivi, ont fait penser aux habitants, sans doute à tort, qu'ils n'étaient pas au centre de leurs préoccupations.
Ils ont eu raison pourtant de souligner qu'il y a d'autres enjeux bien plus fondamentaux dans ces élections régionales que vouloir dormir la nuit ou circuler sans gêne et sans danger sur les trottoirs. Mais pourquoi alors les têtes de listes d'Île de France ont-elles prêté une oreille si attentive aux leaders de la fête, dont les arguments sont contestables, sans même nous consulter ?
Notre analyse ne signifie pas que le salut viendra des Verts. Les Verts cristallisent peut-être en ce moment nos aspirations mais on a le droit de douter qu'ils aient l'envie et les moyens de les exaucer. Ils ne sont d'ailleurs aux commandes ni de l'Etat ni de la Ville qui, eux, gèrent notre quotidien. A ceux-là nous disons qu'il y a des pressions en ce moment et des exigences que nous ne pouvons pas accepter.
Assouplissement du règlement des terrasses, extension des autorisations ; musique et danse dans les bars la nuit, sans limite d'heure ; prise en charge par la collectivité des frais d'insonorisation ; quartiers réservés à la fête ; beuveries nocturnes. Voilà ce dont nous ne voulons pas. Pensez à notre qualité de vie au quotidien, nous prêterons alors une oreille plus attentive aux projets de "Grand Paris" ou "Paris Métropole". Et vous verrez sans doute se dégonfler le réservoir des abstentionnistes dont le niveau, à ce scrutin, a atteint des records absolus.