Immeuble du 26 rue de Montmorency (IIIe), à l'emplacement de l'ancien couvent des Carmélites
On est loin ici du squat médiatique et médiatisé de "Jeudi Noir", dans l'hôtel de Coulanges au 1bis place des Vosges (IVe). Celui-ci a le charme discret d'un squat de province. Quelques fanfreluches pendent aux fenêtres et l'écriteau fixé sur l'entresol n'est que partiellement lisible derrière la jardinière qui en cache la coda.
Les habitants de l'immeuble voisin se sont plaints à diverses reprises de bruits de musique nocturne. On le sait, la musique amplifiée, dite techno, avec ses basses répétitives, se propage aisément par la maçonnerie dans les immeubles attenants.
Prévenue, la police de l'arrondissement est intervenue mais n'a pu accéder aux logements pour faire un constat, faute d'y être habilitée par une demande du propriétaire .... que personne ici ne connaît. Le statut de cet immeuble, aux dires des voisins, était obscur.
La réalité est plus claire.
L'immeuble appartient à une personne physique, qui a décidé il y a trois ans environ de procéder à sa réhabilitation. Sa vétusté, l'absence d'ascenseurs, l'état de la toiture et des menuiseries, nécessitaient des travaux conséquents. Le propriétaire a invité ses locataires à un départ qui, selon lui, a été négocié à l'amiable.
La demande de permis de construire date de 2008. Il prévoit la réhabilitation des cinq étages et du sous-sol, l'installation d'ascenseurs, la création d'un logement au premier étage en remplacement d'un commerce, et le ravalement de la façade sur rue.
L'immeuble rénové est destiné à la location à loyers modérés. On parle de 17 €/m², soit 600 €/mois environ pour un 35 m². Le cadre est remarquable : la vue bénéficie en face d'une double ligne de toits et lucarnes à la française et, en biais, du spectacle de la cour et des jardins de l'hôtel d'Hallwyll, dont l'entrée se trouve au 28 rue Michel le Comte. L'arrière de l'hôtel, qu'on voit ici, ressemble à une villa romaine avec sa double série de colonnes doriques qui conduit à un nymphée. L'hôtel d'Hallwyll combine le génie austère de son créateur, François Mansart (XVIIe), et l'extravagance de l'architecte qui l'a rénové au XVIIIe : l'étonnant Claude Nicolas Ledoux (connu notamment pour sa "saline royale" d'Arc et Senans).
Le Maire du IIIe voit ce projet, nous dit-on (mais il ne l'a pas confirmé), "d'un oeil sympathique", à cause de son orientation sociale qui a l'avantage complémentaire de ne pas solliciter la bourse des contribuables parisiens, déjà sévèrement mise à contribution en 2009 et, on le craint, en 2010.
Ce bel ordonnancement pourrait pourtant avoir des hoquets depuis que, à la suite d'un contre temps dans le programme de réhabilitation, des squatters se sont invités à la table et occupent l'immeuble. Mais pas forcément. Le propriétaire aurait négocié un accord avec leur "collectif" par lequel ils se sont engagés à laisser place aux travaux à une date précise (il semble que nous y soyons), en contre partie de leur hébergement pour un loyer dérisoire.
La justice s'est de toute façon prononcée avec une ordonnance d'expulsion. Il reste à vérifier si le gentleman agreement en est un et si les parties en présence sont décidées à l'appliquer. Sinon, ce serait la partie de bras de fer à laquelle nous commençons à être habitués. Et un retard dans la mise en chantier de logements qui feraient le bonheur d'une dizaine de ménages, en toute légalité.
Post scriptum # 1 du 12 avril 2010
Gauthier Caron-Thibault, Maire-Adjoint du IIIe, qui a déposé un commentaire à l'article en date du 1er avril, donne des précisions supplémentaires aux habitants de l'immeuble voisin, au 24 de la rue, dans une lettre qui fait en détail l'historique de l'affaire.
Il annonce que l'huissier de justice, sur la base de l'ordonnance d'expulsion prononcée par le tribunal, a demandé l'intervention du commissaire de police le 29 mars pour déloger les occupants qui n'ont pas respecté les termes de la convention d'occupation précaire qu'ils avaient signée avec le propriétaire. Renseignements pris auprès des habitants voisins, le commissaire est venu (venit, vidit) mais n'a rien fait (sed nihil fecit). Samedi dans la nuit, vers 03h00 du matin, la musique battait son plein.