Les Ruchers du crédit Municipal
Depuis 2010, 4 ruches ont été installées sur le toit du Crédit Municipal rue des Archives, mais elles ne sont pas déposées contre un prêt sur gage, elles participent simplement au développement des ruches dans les villes, les abeilles étant moins exposées aux pesticides.
Connaissons-nous bien d'ailleurs l'histoire de cette vieille institution ?
C'est en Italie à Pérouse, en 1462 qu'est né le premier Mont de Piété destiné à combattre les pratiques de l'usure qui sévissaient alors, en proposant des prêts à faible taux. Le premier établissement est apparu en France à Avignon à la fin du XVIème siècle et à Paris en 1637. On doit son arrivée dans la capitale à Théophraste Renaudot, médecin, gazetier, créateur de l'ancêtre de "Pôle Emploi" mais aussi Commissaire Général des Pauvres du Royaume.
L' Hexagone compta alors jusqu'à 58 établissements mais à la disparition de Richelieu et de Louis XIII, ses protecteurs, ils seront fermés. Ils ne réapparaîteront qu'en 1778, car les usuriers régnaient à nouveau en maître et pratiquaient des taux prohibitifs de 120 % l'an ! Le Mont de Piété de Paris ouvre rue des Blancs Manteaux dans un des bâtiments qu'il occupe encore aujourd'hui. Après une interruption de 2 ans pendant la Révolution, l'institution rouvre ses portes en 1797 pour ne plus jamais fermer et acquiert le monopole du prêt sur gage en 1804 par décision de Napoléon Bonaparte.
Entrée historique rue des Blancs Manteaux
Le développement est contrasté au gré des événements économiques et politiques durant le XIXe siècle, plusieurs succursales ouvrent nénamoins dans Paris. Avant la première guerre mondiale, l'activité est en déclin et l'établissement doit évoluer. Ainsi en 1918, il devient Crédit Municipal de Paris et s'oriente vers les activités bancaires. Durant la guerre de 39-45, l'établissement marche au ralenti. Ce n'est qu'en 1984 qu'il devient une banque à part entière et en 1992 qu'il est rattaché à la Ville de Paris qui en devient l' actionnaire unique.
Entrée actuelle, 55 rue des Francs-Bourgeois (IVe)
Sur le plan architectural, les bâtiments imposants sont de style classique. Ils comprennent d'anciennes parties du couvent des Servites de Marie (cf notre article du 01/09/2012 consacré à l'église des Blancs Manteaux). Lors des journées du patrimoine, il est possible de découvrir certaines parties de l'ensemble immobilier: la tour Philippe Auguste de la fin du XIIe, la façade de l'ancien hôtel de Nouvion construit en 1680 et démoli en 1880, les cours Théophraste Renaudot et Framboisier de Beaunay construites par les architectes Charles-François Viel et Emile Blanchard à la fin du XVIIIe. Le grand escalier avec ses quatre imposants faisceaux licteurs mérite le détour. On remarquera aussi les vantaux de la porte d'entrée principale qui sont XVIIIème et classés à l'ISMH (inventaire supplémentaire des monuments historiques) depuis 1926.
L'escalier avec ses quatre faisceaux de licteurs
Une rareté à ne pas manquer lors de ces visites, la machine à étuver les matelas ... En effet au XIXème siècle les matelas, très nombreux, étaient acceptés en dépôt mais passaient dans cette machine avant d'être remisés. Les bicyclettes ont eu aussi un certain succès par la passé ainsi que les armes qui ne sont plus acceptées depuis la Révolution de 1848 où les émeutiers se sont emparés des armes gagées!
Vue de la tour de l'enceinte de Philippe Auguste (IVe)
Depuis quelques années le vin est pris en dépôt. Il faut aussi souligner que depuis le début de la crise que nous traversons, le nombre de visiteurs fréquentant chaque jour le Crédit Municipal est passé de 400 à près de 800. Ils bénéficient d'un prêt d'un an égal à la moitié de la valeur du bien confié (bijoux, argenterie, fourrures, porcelaines, tableaux, pièces de monnaie, bronzes, instruments de musique...entreposés sur des kilomètres de rayons). 90% des objets sont récupérés par leurs propriétaires, les autres sont vendus aux enchères sur place tel ce pastel de Renoir vendu en 2008.
Lors des périodes de grande pauvreté, les biens sont rendus gratuitement et donnent lieu à ce qui est appelé un dégagement gratuit. 30 ont ainsi eu lieu entre 1777 et 1914. Quelques personnages célèbres ont eu recours au prêt sur gage. Le prince de Joinville le fils de Louis Philippe qui a déposé sa montre pour honorer des dettes de jeux. Honteux, alors que sa mère s'étonnait de sa disparition, il lui répondit "je l'ai laissé chez ma tante" d'où l' appellation célèbre. Victor Hugo, Degas, Monet, Nadar ou Verlaine ont eu besoin des services du Mont de Piété.
Méditons enfin sur cette phrase de Théophraste Renaudot qui affirmait que "l'expérience a appris que, dans les affaires de la vie, un secours venu à propos avait toute l'importance d'un trésor".
Mieux vaut être toutefois abeille que cigale.
Dominique Feutry