Affiche du Festival du Marais de 1972
Des passionnés du Marais ont réussi cette gageure, avec très peu de moyens au départ, de faire sortir de l'oubli et apporter un rayonnement à un quartier dont les nombreux monuments, pour la plupart délaissés par les autorités, attestaient de son riche passé.
Sous l'impulsion de Michel Raude est créé en 1961 "l'Association du Festival du Marais" dans le but de sensibiliser les parisisens sur l'état pitoyable du secteur.
Le festival fait suite à des petits spectacles qui sont donnés gratuitement dans des hôtels particuliers comme l'Hôtel de Vigny (cf Article de VLM du 14/02/2007) afin d'attirer l'attention sur le Marais. Les encouragements, la volonté d'aller plus loin et différents soutiens conduisent à ambitionner de donner davantage de spectacles pour ouvrir plus de lieux au public. Ce qui nécessite de trouver des comédiens, des musiciens, des bénévoles et des sponsors.
Le premier festival se déroule les 15 premiers jours de juin 1962 au cours desquels sont donnés 35 spectacles (théâtre et concerts attirent alors 10 000 spectateurs. Une plaquette est distribuée au public rappelant que le Marais contient des dizaines de demeures et de chefs d'oeuvre d'architecture française mais aussi des pastiches, des ateliers et des endroits déplorables et sales...Pour la saison suivante, compte tenu du succès rencontré, des subventions sont obtenues et des artistes professionnels sont engagés, ce qui permet d'ouvrir d'autres lieux tels que l'Hôtel Sully, les églises Saint Gervais, Saint Paul-Saint Louis. Des pièces de théâtre modernes, classiques sont donnés par des Centres dramatiques de province.
Parallèlement au festival, de nombreux bénévoles organisent des conférences et des visites guidées qui conduisent à créer en 1963 "l'Association de Sauvegarde de la Mise en Valeur du Paris Historique". A cette occasion la Ville de Paris met à la disposition de l'association 2 vieilles demeures, rue François Miron, la Maison d'Ourscamp dont les membres entreprennent bénévolement la restauration et qui deviendra le siège de l'association .
Affiche de 1979
Des différents festivals qui se sont tenus jusqu'en 1967, retenons représentations du Ballet de l'Opéra de Paris (Hôtel de Soubise) , les tours de chants de S. Lama, L. Ferré, G. Brassens et Barbara (Hôtel Sully), des concerts de musique composée par Messian, Prokofiev, Tchaïkovsky, Stravinsky ou Honegger...Les nocturnes de gala avec les gardes républicains, des laquais en livrée redonnant à ces endroits, l'instant d'un soir, tout leur lustre d'autrefois, ont laissé des souvenirs impérissables. Le chiffre record de 85 représentations et plus de 100.000 spectateurs est atteint... Ce qui nécessite une sérieuse et lourde organisation au travers d'une structure comportant outre un conseil d'administration, des comités de programmation et d'organisation. Car il faut en effet construitre des scènes, des gradins, aménager les loges, installer l'éclairage, le sonorisation, répondre aux questions de sécurité, réaliser et éditer les affiches, les programmes, les plaquettes...
Mais 68 a coupé l'élan de ces grands moments du Marais puisque le festival a dû être annulé. Il reprend et se déplace même aux Halles avant la destruction des pavillons Baltard. Les années suivantes d'autres lieux sont ouverts (Hôtel de Beauvais, Carnavalet...),des spectacles de rue se déroulent place du Marché Sainte-Catherine, un tourmoi du Moyen-Age est organisé place des Vosges, des fêtes de nuit sont montées mais 68 est passé par là... Les finances sont en baisse. les clients sont plus exigeants, ils demandent des nouveautés et dans des lieux à l'abri du mauvais temps. Des extensions du festival sont donc décidées dans des endroits aussi divers que le Centre Pompidou, la Cité des Arts, le Théâtre Essaïon ou le Café de la Gare. Goldoni, Racine, du jazz mais aussi Mozart, Haydn, Strauss, Bruckner sont à l'affiche. Des colloques, des conférences, des expositions sont données. Un hommage est rendu à Victor Hugo en 1985.
Siège de l'association de Sauvegarde et de Mise en valeur du Paris Historique, 44 rue François Miron (IVe)
Mais la baisse d'intérêt du public liée à des financements de plus en plus difficiles à assurer donnent un coup d'arrêt au festival en 1987. Il essaiera de renaître quelques années plus tard avec un équipe nouvelle mais, après 4 ans, force est de se rendre à l'évidence, le festival a définitivement vécu.
Que retenir de cette riche période pour la Marais ?
Une notoriété qui a dépassé nos frontières et qui ne se dément pas, la création de l'Association de Sauvegarde et la Mise en Valeur du Paris Historique qui existe toujours et a contribué à sauver et à restaurer nombre de monuments. Enfin, le plus important, la prise de conscience que le Marais était un ensemble exceptionnel qui devait être préservé et réhabilité.
"La passion est un moteur dont personne ne mesure la puissance" a écrit l'écrivain belge Pieter Aspe. Cette citation s'applique tout à fait à tous ceux qui ont permis que le Marais devienne ce qu'il est aujourd'hui.
Dominique Feutry