Intérieur de l'Hôtel de Beauvais 68, rue François Miron (IVe)
La Cour administrative d’appel de Paris a l’immense privilège d’être installée depuis 2004 dans le merveilleux Hôtel de Beauvais au 68 de la rue Francois Mitron (4e). Il est classé depuis 1966. D’une maison de ville pour les abbés de Chaâlis (l’abbaye située au nord de Paris sert aujourd’hui d’annexe aux collections du Musée Jacquemart), l’architecte Le Pautre a bâti un Hôtel prestigieux, digne de la première femme de chambre d ‘Anne d’Autriche, Catherine Bellier, l’épouse de Pierre de Beauvais, un marchand drapier anobli. Les historiens relatent que la proximité de la reine de sa première femme de chambre était telle que celle-ci avait le « privilège » de lui faire ses lavements et a eu celui de déniaiser le futur Louis XIV.
Pourtant les contemporains ne cachent pas la laideur repoussante de cette femme. Il n’empêche qu’étant très riche (elle avait par exemple obtenu de toucher une redevance sur les cadeaux qui entraient et sortaient de Versailles) et le terrain lui ayant été donné par la reine, elle peut engager Antoine Le Pautre (à qui l’on doit le Château de Saint Cloud dont il reste la Grande Cascade et l’Abbaye de Port Royal), premier architecte du roi, pour construire son hôtel à partir de 1654.
La cour avec au fond les écuries
La parcelle étroite et très irrégulière ne déroute pas Le Pautre. Son ingéniosité le conduit à bâtir une demeure avec un remarquable grand escalier, une galerie d’apparat dans la même veine que celle de l’Hôtel Lambert, des écuries (les 5 portes à mascaron de la cour), une chapelle, auquel on accède par un escalier de forme elliptique (cf photo de l’article du 04 janvier 2012), un jardin suspendu avec grotte, volière, jet d’eau et un cellier gothique vestige de la maison d’origine.
La cour légèrement oblongue surprend lorsque nous la découvrons, elle est traitée comme une scène de théâtre avec son décor où les irrégularités du terrain deviennent un atout. Les façades sont régulières, bien dans l’esprit du classicisme français de l’époque. Des modifications seront apportées au XVIIIe siècle par les nouveaux propriétaires, les Orry dont l’un d’entre eux, protégé du Cardinal Fleury, occupera les postes prestigieux de Contrôleur général des finances et de Surintendant des bâtiments du roi puis le quasi Premier ministre de Philippe V d’Espagne.
Loué à l’ambassadeur de Bavière, l’Hôtel de Beauvais accueillera pendant quelques mois le jeune Mozart et son père. Malheureusement les révolutionnaires transforment les lieux en bureau des diligences et le luxueux bâtiment commencera sa lente agonie. Devenu immeuble de rapport, mal entretenu, il perd peu à peu tout son lustre. Même après que le roi Pierre Ier de Serbie, qui avait entendu parler de ce monument d’exception, ait réussi à le découvrir lors d’une visite à Paris, lui redonnant l’espace d’un instant toute son importance. Ce qui rappelait l'autre grand moment où du balcon, en 1660, Anne d’Autriche, Mazarin et Turenne regardaient l’arrivée à Paris de Louis XIV et sa jeune épouse Marie-Thérèse, juste après leur mariage à Saint Jean de Luz.
Détail de la montée d'escaliers
Racheté durant l’Occupation à une famille juive par la Ville de Paris, l’Hôtel de Beauvais qui a toujours conservé son nom est maintenu en logements locatifs, jusqu’en 1986, les étages ayant été découpés afin d’améliorer le rendement. C'est durant cette période que les membres bénévoles de l’Association du Paris Historique et du Festival du Marais (cf notre article du 27/12/2012) ont dégagé les caves gothiques qui se trouvent sous la cour, devenant des salles de spectacle durant le festival. Il existe d’ailleurs aussi une grande salle où se trouveraient les restes d’un autel.
C’est en 1986 que commence la restauration de l’ensemble dans son état primitif. Plusieurs projets sont en compétition pour la destination des lieux dont la création d’un institut des parfums de France. Pour être complet signalons que des scènes de La Banquière ou de Camille Claudel ont été tournées à cet endroit. Des visites à ne pas manquer sont organisées, pour cela il importe de contacter directement la Cour administrative d’appel de Paris ou de profiter des Journées du Patrimoine.
Dominique Feutry