La rue de Turenne présente la particularité d'être bornée de deux magnifiques fontaines. La fontaine Boucherat sur sa partie nord (place Olympe de Gouge (1748-1793) considérée comme la pionnière des féministes) et la fontaine de Joyeuse (face à la rue des Minimes et du Foin) à son extrémité sud. L'une date du XVIIe siècle et l'autre du XIXe.
La première fontaine de Joyeuse fut édifiée en 1580 contre l'Hôtel Miron qui deviendra ensuite l'Hôtel de Joyeuse. Elle a été remplacée par une autre en 1687 et enfin par celle que nous pouvons admirer aujourd'hui. Elle date de 1847 et s'est insérée dans un vaste programme d'installation de fontaines publiques voulue alors par la Ville de Paris qui souhaitait mieux alimenter en eau la population parisienne qui augmentait. La fontaine de Joyeuse a été est décorée par le sculpteur Isidore Romain Boitel (1812-1860) qui fut élève de David d'Angers dont les œuvres à la suite de commandes publiques sont rares .
La fontaine a trois mètres de large et s'insère dans une arcade ouverte (où figurent sur le fronton les armoiries de la Ville de Paris) avec une niche en cul-de-four (c'est-à-dire une voûte en quart de sphère). Sur un piédestal en marbre, une petite statue en fonte d'enfant tient une jarre inclinée d'où jaillit l'eau. Sur la base est inscrit « OURCQ » du nom du canal qui l'alimente. Au-dessous, un bassin semi-circulaire supportant une vasque en forme de coquille reçoit l'eau de la jarre. Il est intéressant d'examiner la sculpture en bas relief du cul du four qui représente des roseaux et différents animaux aquatiques parmi lesquels se trouvent héron, grenouille, cygne et serpent.
La fontaine de Joyeuse (IVe) autrefois sans sa grille
L'ensemble est magnifiquement réalisé, il met en valeur l'eau accentuée par le bruit de sa chute qu'amplifie, à l'image d'une caisse de résonance, la cavité dans laquelle elle se trouve. Une façon aussi de mettre en valeur pour les habitants, la générosité des édiles de l'époque. La fontaine restaurée en 2008 est protégée par une grille.
La fontaine Boucherat est située au croisement des rues de Turenne et Charlot. Elle est beaucoup plus sobre que la précédente malgré son importance. Elle fut bâtie en 1697 par Jean Beausire. Ce Contrôleur des Bâtiments de la Ville de Paris sous Louis XIV, outre le privilège d'avoir 19 enfants dont nombre d'entre eux devinrent architectes, travailla à l'aménagement de la place des Victoires et de la place Vendôme. Il est surtout connu pour la construction de 21 fontaines dans Paris dans le cadre d'un plan destiné à améliorer l'approvisionnement en eau de la Ville. 11 d'entre elles subsistent encore aujourd'hui. La fontaine accolée au N°133 de la rue de Turenne doit son nom à Louis Boucherat (1616-1699), Chancelier de France qui était aussi le nom d'une partie de la rue de Turenne actuelle où elle est située.
La façade de la fontaine est deux fois plus haute que sa largeur. En léger retrait, une sorte de niche à peine soulignée encadrée de refends donne une majesté à l'ensemble qui est surmonté d'un fronton triangulaire dans lequel se trouvaient les armes de la Ville. Au-dessus du mascaron finement sculpté figure une inscription en latin : « De même que l'heureuse paix conclue par le Roi Louis répandra l'abondance dans la ville de Paris, cette fontaine lui donnera ses eaux » La paix en question est celle signée en 1697 par Louis XIV à Ryswyck aux Pays Bas qui mit fin à la guerre de la Ligue d' Augsbourg et permit notamment à la France d'annexer une grande partie de l'Alsace.
La fontaine a été classée en 1925 et restaurée en 1993. L'eau qui autrefois provenait de la pompe à feu de Chaillot sort de la gueule d'un lion à l'aide d'un bouton poussoir.
Ces deux sites sont intéressants, caractéristiques de leur époque et méritent vraiment un détour au hasard d'une promenade.
Dominique Feutry