Ambiance studieuse autour de Frédéric Hocquard (plein centre). A sa droite, Lauren Bouillot, conseillère technique auprès de MM. Julliard et Hocquard (Mairie de Paris). A sa gauche, en tournant, Elisabeth Bourguinat, Gilles Pourbaix, Anne Penneau, Gérard Simonet, Jean-François Revah (qui prend la photo), Dr Bertrand Lukacs, tous membres du réseau "Vivre Paris !" (Photo VlM)
Anne Hidalgo avait annoncé qu'il y aurait, si elle était élue, un "Maire-Adjoint à La Nuit". C'est son Premier Adjoint, Bruno Julliard, qui en a la délégation qu'il cumule avec la "Culture, le Patrimoine, les Métiers d'Art et les Relations avec les Arrondissements" mais un autre élu en assume la responsabilité pleine et entière : Frédéric Hocquart. C'est lui que nous avons rencontré ce matin à l'Hôtel de Ville, dans une configuration "Vivre Paris !", ce réseau de trente associations parisiennes que nous avons constitué en 2010 à la veille des "états généraux de la nuit".
A l'évidence, Frédéric Hocquart n'a pas, et nous lui en savons gré, une vision étriquée de la nuit qui se limiterait à la consommation - effrénée trop souvent - de boissons alcooliques et à des bacchanales bruyantes sur l'espace public. Il considère que c'est un devoir de la Ville de faire connaitre les multiples activités culturelles qui se tiennent la nuit, pour effacer cette image de capitale de l'ennui que certains cherchent à donner de Paris. Avec un objectif sournois : créer chez les édiles un sentiment de culpabilité dont ils espèrent tirer profit. F. Hocquard souligne avec justesse une évidence : Paris est la ville la plus visitée du monde. Peut-on espérer mieux ?
Question de M. Lukacs à F. Hocquard : Oui ou non, êtes-vous d'accord pour dire que l'espace public n'est pas la propriété des fêtards ? Réponse : Oui mais .... (illustration Huffington Post)
Il faut donc en finir avec cette rhétorique et regarder les enjeux sérieux bien en face.
A commencer par la communication. Elisabeth Bourguinat a souligné justement que l'information des décideurs de la mairie et de la préfecture ne pouvait en aucun cas être tributaires de l'opinion - forcément peu objective - des "Pierrots de la Nuit", donc chacun s'accorde en dehors des personnes intéressées, à dire qu'ils sont plaisants mais qu'au mieux ils ne servent à rien et coûtent cher à la collectivité. Il y a suffisamment d'acteurs impartiaux pour renseigner ceux qui ont besoin de disposer d'hypothèses pour aboutir à des décisions.
Anne Penneau a regretté que les dispositifs en place dans son quartier de la Butte aux Cailles aient grippé et que des commerçants travestis en riverains aient même réussi, par une décision de justice, à faire sauter le verrou d'un arrêté préfectoral dont la motivation, là et ailleurs, est de préserver la tranquillité des habitants.
Le Dr Bertrand Lukacs, urologue à Tenon, a insisté sur les méfaits de l'alcool, responsable de plus de cinquante mille morts par an chez nous, et sur la vulnérabilité des jeunes dont 12% d'entre eux s'adonnent à la pratique de l'ébriété rapide (binge drinking) qui les conduit à la perte de conscience et au coma éthylique. Il connait bien le phénomène pour habiter sur le canal St Martin, l'un des haut-lieux de la beuverie juvénile à Paris. Il met en garde la Mairie, à ce propos, contre le risque qu'on ait à déplorer un jour un décès par noyade de gens que leur degré d'inconscience aura poussés dans le canal.
Au nom de "Vivre le Marais !" et de notre expérience de deux arrondissements qui sont des laboratoires de la nuit, nous avons souligné le fait que les abcès qui se développent ne se règlent jamais avec les consommateurs car ils sont volatiles par essence, mais avec les exploitants, quand ils veulent bien s'y prêter. Un établissement de nuit peut vivre en harmonie avec son environnement s'il est bien insonorisé et dispose d'un dispositif de sécurité efficace. Quand ces conditions ne sont pas remplies, si les tentatives de conciliation de la part des riverains n'aboutissent pas, il est hautement improbable qu'un médiateur quel qu'il soit réussisse. Dans les situations que nous avons vécues, c'est l'implication personnelle du Maire d'arrondissement, du Commissaire Central et du Cabinet du Préfet de Police qui ont rétabli l'ordre. Avec l'aide, quelques fois, de la justice.
Jean-François Revah et Gilles Pourbaix ont souligné qu'en matière d'ordre public il suffit que les lois, les codes et règlements soient repectés pour que le "vivre ensemble" soit possible. Chacun en convient mais la tentation est forte, quand on sent des résistances, d'imaginer de nouvelles structures, des nouvelles lois, de nouveaux processus. Bref se livrer à une fuite en avant dont l'échec est trop souvent au rendez-vous.
Enfin et de manière unanime, nous avons qualifié de casus belli l'idée qui a été colportée par les médias avant les élections de créer, au sein du PLU (plan local d'urbanisme) de Paris, des zones qualifiées de "festives", et traitées comme telles, dans Paris.
Gérard Simonet