Vartan Berbérian dans sa cour (Photo VlM - clic gauche dans l'image pour agrandir)
Vartan Berbérian est né à Gardanne (Bouches du Rhône) il y a 90 ans dans une famille arménienne qui a fui le génocide turc de 1915. Élevé dans les principes de l'époque qui valorisaient le travail et l'effort, il devint officier de marine et inventeur. On lui doit notamment un procédé de fabrication des boules de pétanque dont il a vendu la licence jusqu'en Chine et qui lui vaut de vivre dans une relative aisance aujourd'hui.
Amoureux de la "terre", il est aussi passionné de vieilles pierres. Aussi, quand il chercha la résidence qui lui serait définitive, dans les années 70, il opta pour le Marais en jetant son dévolu sur un immeuble délabré de la rue Michel le Comte (IIIe), qui avait connu jadis des jours plus glorieux comme demeure de l'intendant Le Tellier sous Henry IV, "Auberge médiévale de l'Ours et du Lion" ensuite, puis résidence des ducs de Rocquencourt. C'est la présence d'une grande cave sous l'appartement du rez-de-chaussée qui emporta sa décision.
Les origines XVIIème siècle de cette construction apparaissent dans son architecture, notamment la taille et le style des fenêtres. On y découvre en particulier un bel escalier en pierres dont la volée suit un parcours aux sinuosités surprenantes.
Vartan a conservé sur quelques photos la mémoire des lieux tels qu'il les a découverts. Leur comparaison aux photos d'aujourd'hui montre le chemin parcouru. Un chemin que de nombreux bâtiments et hôtels particuliers ont suivi dans le Marais pour passer du délabrement et de l'insalubrité à l'état restauré qui fait aujourd'hui l'admiration des visiteurs du monde.
A gauche l'escalier en 2015, à droite vue de la cour en 1970 (Photos VlM et VB - clic gauche jusqu'à deux fois pour agrandir)
Au fond de la cour, près de la porte d'entrée couleur amarante, on aperçoit un figuier. Cet arbre a donné son titre à un livre que Vartan Berbérian a publié en 2005 chez Anne Carrière. Il y raconte sa vie et celle de ses parents avant et après leur exil et leur installation difficile en France. C'est une autobiographie en hommage à son père et sa mère en même temps qu'une page d'histoire contemporaine qui nous éclaire sur le drame qu'a vécu l'Arménie au début de siècle dernier.
En voici un court extrait :
"....J'ai donc commencé ma vie dans une cave. Et c'est dans une "cave" que je passe aujourd'hui le plus "clair" de mon temps.
Personne n'a réalisé quand, fortune (petite) faite, j'ai décidé d'acquérir cet immeuble du Marais, vieux quartier qui ressemblait encore au "ventre de Paris" cher à Zola. La maison suintait la misère. Je n'ai vu que la cave.
Mon père, et tous les miens, personne n'a compris, personne n'a voulu comprendre.....
Moi, je n'ai rien vu du passé glorieux [de ces lieux - NDLR], je n'ai vu que la cave. Et si j'ai choisi entre tous ce port où jeter l'ancre, c'est pour l'unique raison qu'il plongeait ses racines dans le sol. Parce qu'il était bâti sur cour et me rappelait les jours bénis de ce passé qui ne voulait pas mourir.
Oui, de cette presque ruine qui suintait la misère, je n'ai vu que la cave.
J'allais enfin retrouver le sol, la terre, la vie. Et la mort, qui est le couronnement de la vie".
Une vie aussi bien remplie méritait l'hommage de notre association et un article sur ce blog.
Gérard Simonet