Quand va-t-on les empêcher de nuire en ville ?
C'est le plus stupide des bruits. Car il ne sert à rien lorsqu'il sévit dans une agglomération. Il est dit dans le code de la route que son usage est interdit "sauf en cas de danger immédiat". Une enquête réalisée par nos soins il y a quelques années montrait que les coups de klaxons étaient dans 90% des cas le fait de véhicules à l'arrêt. Il n'y a qu'un seul cas où un véhicule à l'arrêt est menacé de danger en ville : quand la voie est en pente et que le véhicule qui précède recule sans s'en rendre compte.
Autant dire que ces coups de klaxons relevés étaient strictement inutiles et n'avaient pour raison que de manifester un agacement vis à vis d'un véhicule qui ne repart pas assez vite à un feu de croisement. Ou pour râler contre un livreur en pleine-voie. Ou pour quelque autre raison encore plus futile.
S'agissant des 10% restants, ils étaient pour l'essentiel le fait de véhicules en mouvement, généralement des deux-roues motorisés, désireux de manifester leur désir de voir des occupants de la voie situés à cent mètres ou plus, se ranger humblement et prestement à leur passage. Il n'y avait pourtant aucun danger, encore moins immédiat ; seul un désir malsain du conducteur de montrer sa force et sa capacité à nuire.
Des voix s'élèvent depuis longtemps pour neutraliser les klaxons en ville. Plusieurs solutions ont été envisagées. Un Préfet de police autour des années 2005 avait émis l'idée qu'on pourrait coupler l'avertisseur sonore avec les feux de détresse. C'était un fin psychologue : l'individu qui klaxonne, constatant que son véhicule flashe de tous bords, est frappé d'une angoisse et de la crainte d'être convaincu d'infraction (car l'usage d'un avertisseur est passible d'une amende). Il réfléchit donc à deux fois avant de s'y livrer.
Techniquement, c'était un jeu d'enfant de câbler une voiture ou un deux-roues pour qu'il en soit ainsi mais il faut croire que les lobbies ont étouffé cette bonne idée dans l’œuf car le Préfet en question est tombé dans l'oubli et son projet ... à l'eau.
Mesure des bruits sur dix jours dans une rue du Marais IIIe en 2007. Résultat : 138 coups de klaxon dans une seule journée ! (photo VlM)
Dans le même registre, d'autres idées ont vu le jour. Par exemple inhiber le klaxon quand le véhicule est à l'arrêt. On supprimerait ainsi les 90% de coups de klaxons strictement inutiles. Très facile aussi à réaliser avec un interrupteur sur le compteur de vitesse. Que n'avait-on dit ! Immanquablement les songe-creux qui se régalent des nuisances de leur bagnole ont évoqué le risque du véhicule de devant qui recule. En feignant d'oublier qu'on peut aussi se manifester en faisant des appels de phares.
Ce dossier dont la pertinence saute aux yeux de beaucoup peine visiblement à s'imposer. Nous enverrons cet article à la presse sans être assurés qu'il se trouve quelqu'un pour le relayer. Nous pensons pourtant que sa prise en compte relève d'un impératif de santé publique. En effet, c'est couramment 85 décibels qu'une voiture vous lance dans les oreilles lorsqu'elle klaxonne à votre hauteur. Un avertisseur du type corne de bus délivre 105 décibels (alors qu'un léger coup de gong généralement suffirait). Les motos et scooters se signalent avec des sons stridents qui percent les tympans.
Enfin, il faut souligner qu'un bruit est d'autant plus agressif qu'il ne prévient pas. Un véhicule à moteur qui passe dans la rue se fait entendre au lointain, le bruit va crescendo, passe par un maximum et décroit ensuite pour disparaitre (en offrant au passage, par effet Doppler, une baisse de fréquence qui le rend plus tolérable). C'est l'inverse avec le coup de klaxon : il ne prévient pas et vous frappe sauvagement. Rien de tel pour entretenir le stress et alimenter les états dépressifs.
Nous lançons ce message comme une bouteille à la mer. Dieu ou la providence fasse qu'il soit repris par un cénacle qui lui accorde quelque crédit. Voilà un beau sujet pour Bruxelles car si la réflexion, ce que nous souhaitons, allait jusqu'à décider la suppression pure et simple de tous les avertisseurs autres que lumineux (appels de phares), c'est à l'échelle de l'Europe des 28 qu'il faudrait le faire.
Enfin si le sujet a du sens à vos yeux, faites circuler l'article autour de vous et déposez des commentaires pour que nous sachions si le combat vaut la peine d'être poursuivi.
Gérard Simonet
Post Sciptum
Le blog du quotidien "Le Monde", SOS-Conso, sous la signature de Rafaële Rivais, reprend le thème aujourd'hui 17 décembre, avec une très mauvaise nouvelle pour notre cause : les vélos, le plus vulnérable des moyens de transport, pourraient bientôt s'équiper d'avertisseurs plus puissants encore que ceux des voitures... On n’avait pas osé l'imaginer !