Les locataires saisonniers ont envahi le Marais avec leurs célèbres et bruyantes "valises à roulettes" (Photo VlM)
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New-York, San Francisco, Paris .... réalisent que le développement anarchique de la location meublée saisonnière est dangereuse pour l'équilibre de leur habitat. Parce qu'ils échappent à l'impôt, les loueurs et les plateformes privilégient cette pratique en lieu et place de la location classique, meublée ou non.
Les plateformes Internet sont au cœur de cette activité économique. Une activité dite "numérique" qui en côtoie d'autres en nombre croissant telles que l'achat en ligne (Amazon), la vente aux enchères (eBay), le covoiturage (BlaBlaCar) ou le transport de particuliers (Uber).
Les gouvernements ont en général la sagesse d'accompagner ce mouvement. En France, le Parlement a voté le 10 octobre 2016 une loi qui complète l'ébauche de 2014. Voici ce qu'il en dit : " La loi pour une République numérique prépare le pays aux enjeux de la transition numérique et va permettre de développer l'économie de demain.... Elle a pour ambition d'encourager l'innovation et le développement de l'économie numérique.... protectrice des droits des citoyens....
Qu'on s'en réjouisse ou non, personne ne pourra s'y opposer car on peut résister un temps au "progrès", on ne peut pas durablement s'opposer à ce qui devient rapidement une vague qui déferle sur toutes les résistances, qu'il s'agisse d’ailleurs de l'économie ou de questions de société.
En revanche, le législateur doit veiller à ce que cette nouvelle économie ne bénéficie pas de distorsions qui la rendent artificiellement hyper compétitive. Si la location meublée saisonnière a le succès que l'on sait, c'est qu'elle bénéficie d'avantages concurrentiels à caractère légal et fiscal.
En voulant protéger le locataire, depuis 1982 avec la loi Quillot, les gouvernements qui se sont succédé ont alourdi la gestion des baux locatifs relatifs aux logements nus, avec une pression sur les loyers, la quasi impossibilité de lutter contre les impayés, l'extrême difficulté de récupérer le logement en cas de besoin, tandis que la fiscalité devenait de plus en plus lourde.
A l'opposé, les locations meublées précaires (au mois, à la semaine, à la nuit), qui ne lient pas aussi indissociablement le locataire au propriétaire, ont bénéficié pendant longtemps d'un abattement sur les loyers de 72 % (!). Il est, depuis le passage au gouvernement de Cécile Duflot, de 50 % mais on sait que cet avantage fiscal a suscité des vocations qui ont prospéré et qui explosent depuis que les plateformes du type Airbnb ou Abritel sont apparues.
Autre distorsion : la déclaration par le propriétaire de ses revenus au fisc. Personne n'a la naïveté de croire que ces revenus sont déclarés et taxés comme le sont les revenus du travail, des placements financiers ou de la location traditionnelle.
Si on fait l'addition des conséquences de cette double distorsion, on comprend qu'il n'y ait plus de mise sur le marché de logements destinés à la location classique.
Des résidences ont pris des mesures pour interdire les locations saisonnières (Photo VlM)
Les municipalités, celle de Paris notamment, s'en émeuvent. Ian Brossat, l'Adjoint communiste en charge du logement à la Mairie de Paris, s'y attaque bec et ongles en durcissant les contraintes applicables à la location saisonnière. Il ne parle malheureusement pas de militer pour rendre plus souple la location traditionnelle ou d'en réduire la fiscalité. En cela, son combat est voué à l'échec. Il peut en revanche compenser partiellement le déséquilibre en obtenant que la loi fasse obligation aux plateformes de déclarer au fisc les loyers versés à leurs clients, comme le font désormais les employeurs, les banques et les caisses de retraite.
En résumé, face au développement de l'économie numérique, il importe de donner à chacun sa chance d'occuper la place qui est la sienne en veillant à une application juste et équilibrée des contraintes fiscales et réglementaires.
Pour le moment, on n'en est pas encore là !
Gérard Simonet