Infographie du quotidien "Le Parisien". La zone visée comprend Paris-centre augmenté de l'espace entre la Seine et le boulevard St Germain (Ve et VIe)
Le quotidien Le Parisien publiait en février une interview des principaux élus à la mairie de Paris pour faire le point sur le projet de zone à trafic réduit qui devrait voir le jour d'ici 2024, à l'occasion des JO. La manière dont le dossier a été présenté, l'argumentaire des élus, nous incitent à apporter une contribution qui, pour être critique sur certains aspects, n'a pas d'autre but que d'assurer sa faisabilité.
On constate que l'accent est mis, par les élus de la Ville, sur le trafic de transit qui fait figure de bouc émissaire des problèmes de circulation que toute ville comme Paris connait. En effet, parce qu'ils ne veulent pas appeler les choses par leur nom, les élus de Paris qui sont moteurs (lol) en la matière (le groupe EELV) cherchent à dissimuler leur désir de réduire tout simplement la circulation automobile dans le secteur concerné.
Cette intention est pourtant louable et une majorité de parisiens est prête à s'y rallier, pour autant que des précautions soient prises pour échapper à une protestation générale. C'est une nécessité car il faut protéger la qualité de l'air que nous respirons, réduire le bruit et désencombrer les rues. Il faut se donner un objectif : que ceux qui ont un besoin impératif d'utiliser leur véhicule puisse le faire et se rendre à destination dans un délai raisonnable.
Sachant d'où l'on part, il est évident qu'il faut globalement et significativement réduire le nombre de véhicules en circulation. Le mouvement est amorcé de façon visible et mesurable, il faut désormais l'amplifier et le généraliser.
Ce résultat implique nécessairement un changement des comportements et le recours à ce qu'on appelle "les circulations douces" : marche à pieds, vélo, trottinettes, autres engins et, surtout, vers les transports en commun. Tout ce qui va dans le sens de l'amélioration de ces modes de déplacements et des conditions de leur utilisation doit être mis en œuvre et développé pour rendre la politique de déplacements pertinente. Citons un exemple : rue de Rivoli, on fait le constat que les bus dans leur couloir sont ralentis à 6/10 km/h par des vélos qui délaissent la voie qui leur est attribuée pour emprunter celle des bus. Il faut combattre efficacement cette dérive pour que le transport par bus bénéficie d'un débit normal.
En tenant ces propos, nous sommes probablement en ligne avec les stratèges de l'Hôtel de Ville qui ont pour noms David Belliard ou Christophe Najdovski, que la Maire Anne Hidalgo et son Premier Adjoint Emmanuel Grégoire semblent soutenir, avec sans doute moins d'idéologie mais avec une détermination sans faille.
Pour que les parisiens concernés acceptent cette évolution (qui va dans le sens de l'histoire, on peut en convenir) il faut que les autorités garantissent sans restriction le droit de circuler : aux riverains, aux véhicules de secours et de service, aux bus, aux taxis, aux VTC (la mairie vient d'en accepter le principe), aux livreurs, aux artisans en mission et, c'est une demande de notre part, aux personnes habilitées par décision des mairies pour des motifs impérieux.
Le diable est ensuite dans quelques détails.
Que fait-on pour les deux-roues motorisés (motos, scooters) dont le nombre a explosé depuis 20 ans ? Notre position est claire, ils doivent être soumis aux mêmes contraintes que les voitures car ils sont polluants, bruyants à l'extrême, dangereux et encombrants. On sait qu'ils devront désormais payer le stationnement et subir l'obligation de contrôle technique (à moins que le gouvernement cède une fois encore...). En atténuant les distorsions dont ils bénéficient par rapport aux quatre-roues, il est possible qu'un ré-équilibrage salutaire se produise entre les modes de déplacements.
Comment va-t-on assurer le contrôle et déclencher les sanctions ? C'est là où les choses se compliquent. Nous plaidons pour que le contrôle porte sur ce que les véhicules SONT et non pas sur ce qu'ils FONT. Nous entendons par là un contrôle des véhicules sur plaques d'immatriculation et des amendes automatiques aux contrevenants comme le font déjà certaines villes et certainement pas en vérifiant si les véhicules ont quelque chose à faire dans le secteur. On lit à ce propos dans l'excellente interview de février du Parisien que David Belliard cherche à s'attirer les bonnes grâces des commerçants de Paris en affirmant que la circulation sera autorisée à tous ceux qui peuvent apporter la preuve, factures à l'appui, qu'ils sont venus pour consommer.... On reste baba !
Cette vision des choses est tout simplement irréaliste. Elle implique un effectif de centaines voire de milliers le personnes pour exercer un contrôle tatillon et désuet. Liberticide diront même certains ! Il semble évident que nos élus usent d'une tactique : apaiser les commerçants qui craignent pour leurs affaires en visant la "circulation de transit", qui ne consomme pas puisqu'elle ne fait que passer ! Ce discours est peut-être propre à amadouer les commerçants mais il n'est évidemment pas crédible car les véhicules ne portent pas en colifichet la mention "en transit !" qui permettrait de les repérer....
Nous encourageons nos élus, Anne Hidalgo et Emmanuel Grégoire et leurs Adjoints, à dire la vérité et à s'engager sur un chemin raisonnable. Il faut en contrepartie assurer les commerçants que TOUS les parkings publics resteront accessibles à leurs clients potentiels pour qu'il puissent stationner et consommer. Ceci veut dire que les voies comme Beaubourg et Renard qui conduisent à de grands espaces de parking ne sauraient être brutalement interdites.
Un mot pour conclure sur le mode opératoire des mairies d'arrondissements. Fidèles au mythe de la démocratie participative, elles mobilisent les conseils de quartiers à la recherche de martingales pour résoudre la quadrature du cercle : un plan idéal de circulation. Chacun y va de sa proposition de fermetures de rues, de changement de sens de circulation, en oubliant que le transport est une science et qu'il faut en posséder et maitriser les outils et les données pour assumer des études comme celles-là.
Nous n'avons pas quant à nous la prétention de détenir la vérité et la méthode en la matière. Nous sommes partisans d'une gestion consultative (et non pas participative) des dossiers. Si nos élus veulent bien nous lire, qu'ils tiennent compte de notre point de vue s'ils le jugent pertinent. Ils sont responsables et nous ne le sommes pas. Nous espérons qu'ils feront les bons choix.
Gérard Simonet