Une terrasse bâchée dans le IVe
On sait que les cafés-restaurants ont mal accepté la loi contre le tabagisme actif et passif qui interdit, depuis le 1er janvier 2008, de fumer dans les salles. Les gens de la profession estimaient que la fréquentation de leurs commerces baisserait si on interdisait aux clients de fumer.
Le législateur est passé outre mais le contrôle s'est voulu tolérant. Il est admis, à Paris, qu'on fume à l'extérieur sur les terrasses ouvertes, mais aussi fermées, pour autant qu'elles présentent une ouverture sur l'un des côtés. C'est du moins ce que nous comprenons.
Mais chacun sait qu'il fait froid l'hiver. Les consommateurs sont volontaires pour s'installer dehors si on leur permet de fumer mais ils ne veulent pas mourir de froid. Aussi a-t-on vu pousser comme des champignons ces braseros qui entretiennent une température relativement confortable à l'intérieur des terrasses. Comme il s'agit d'une chaleur "rayonnante" (à l'image du soleil), l'effet est assuré même si la terrasse est ouverte.
Cette évolution pose divers problèmes. De santé publique d'abord. L'objectif de la loi, à savoir la baisse du tabagisme, est contourné et les restaurateurs sont complices. On aurait peut-être dû aller jusqu'au bout du raisonnement et traiter les terrasses comme l'intérieur. C'est ce qui a été fait sans concession dans les avions puis dans les trains. Personne aujourd'hui ne le regrette.
Il faut ensuite se rendre à l'évidence et donner acte aux "Verts" : en période d'économie d'énergie, on dissipe toute la chaleur des chauffages d'appoint dans l'atmosphère. D'une certaine manière, on marche sur la tête.
Enfin, il est difficile de dire que ces terrasses fermées par des bâches plastiques, avec une jupe qui traîne sur le sol, participent à la qualité du paysage de nos rues du Marais où le respect du patrimoine historique interdit en principe les agressions visuelles de cette nature.
Un compromis est-il possible ?
Nous le croyons. Pour commencer, on peut regretter que les fumeurs s'obstinent mais comprendre en même temps leur attitude et l'accepter dès lors qu'ils ne gènent pas les autres consommateurs et que les employés des établissements acceptent une soumission au tabagisme passif atténuée, du fait des ouvertures sur l'extérieur.
Pour répondre aux objections des "Verts", nous pensons qu'une démarche doit être entreprise auprès des professionnels pour que le chauffage soit électrique (infra rouges) de préférence au gaz de ville ou autres hydrocarbures. Ainsi, pas de CO² ni de résidus de combustion. La chaleur rayonnante donne une sensation de bien-être mais elle se transmet peu dans l'atmosphère. Et la production d'électricité, en France, ne fait pas appel aux énergies fossiles.
Quant à l'esthétique, il faut que les responsables du Paysage de la Rue à la Mairie de Paris et les Bâtiments de France édictent des règles adaptées aux nouvelles circonstances. Nous sommes d'avis que les terrasses doivent être fermées à la base par une cloison métallique qui épouse le périmètre autorisé pour l'occupation du trottoir. La partie haute peut être au choix ouverte, ou fermée par une fenêtre plastique. C'est une façon de clairement délimiter l'emprise sur l'espace public, et de restreindre le recours au plastique inesthétique.
En l'absence de règles claires, le mouvement est parti dans tous les sens. Il reste maintenant aux pouvoirs publics à définir les conditions d'un compromis qui nous semble accessible.