La Rotonde du temple, construite en 1788, à l'aube de la révolution (maquette musée Carnavalet).
Si on se positionne à la pointe de l'angle des rues Pérée et Eugène Spüller (IIIe), le regard longe à droite comme à gauche les flancs du Carreau du Temple. Pendant 75 ans, la Rotonde du Temple a trôné là, entre les rues Pérée et Dupetit-Touars.
Bâtiment néo-classique, oeuvre de l'architecte Perrard de Montreuil, d'inspiration utopiste comme l'étaient celles de Claude Nicolas Ledoux (qui s'est illustré chez nous avec l'hôtel d'Hallwyll, 28 rue Michel le Comte), un peu "Fort Boyard" dans sa forme, avec un péristyle élancé qui donnait accès à des boutiques au rez-de-chaussée et soutenait deux niveaux de logements.
Nous étions encore dans l'enclos du Temple, qui bénéficiait du privilège d'un régime de franchise. On rapporte que des affairistes sans scrupules venaient s'y réfugier après avoir fait banqueroute. Dans cette sorte de "paradis pénal et fiscal", les boutiques valaient des fortunes et s'arrachaient à prix d'or.
En 1863, cet ouvrage est démoli et laisse la place à six pavillons en fonte, briques et verre. Quatre d'entre eux seront retirés en 1904. Les deux restants constituent notre "Carreau du Temple".
Les archéologues de la Ville de Paris, qui ont la responsabilité de sonder le terrain et d'exhumer des vestiges intéressants, partiront de 1904 et remonteront le temps. De la Rotonde, on sait qu'il ne reste rien, à l'exception d'un portail en demi cintre, très discret, qu'on découvre au n° 8 de la rue Pérée.
On pouvait attendre plus de "l'Eglise du Temple" (XIIIe siècle), dont l'abside se trouvait à l'emplacement du "Carreau" actuel. On sait par la chronique et les sondages qu'elle est entourée d'un cimetière de plusieurs centaines de tombes qui s'étagent du XIIe au XVIIIe siècles. On espérait dans ses fondations trouver des piles et des voûtes. Il n'en sera rien. Tout a été évacué pour ne laisser que l'empreinte du monument.
Quant aux sépultures, elles peuvent certes renseigner sur les moeurs de l'époque mais les ossements qu'elles contiennent sont trop récents sur l'échelle de l'évolution de l'espèce humaine (sept millions d'années !) pour présenter un intérêt scientifique majeur !
Alors, il est peu vraisemblable que les fouilles archéologiques débouchent sur des découvertes qui remettraient en cause le projet. On prendra soin, naturellement, de placer les vestiges les plus remarquables dans des vitrines au sous-sol et l'aménagement pourra se dérouler comme prévu. C'est en septembre que commenceront les travaux, pour une livraison en 2013.
La réhabilitation du Carreau du Temple est une bonne chose pour l'arrondissement. Vu de l'intérieur, on est frappé par la légèreté et l'élégance des fermes qui ont été conçues par les architectes Ernest Legrand et Jules de Mérindol. Il faut espérer que les aménagements prévus ne porteront pas atteinte à l'harmonie qui se dégage sous le chapiteau actuel.
La présentation du projet par le Maire Pierre Aidenbaum et l'archéologue Didier Busson, le 11 mars, a suscité des réactions plutôt vives de riverains qui craignent pendant des années de vivre l'enfer quotidien des camions-bennes et des bruits de chantier. Ils sont à l'évidence les sacrifiés de l'intérêt général. L'opposition municipale, par la voix de Martine Weill-Reynal, élue UMP, rappelle qu'elle a toujours plaidé pour un projet de plain-pied. Elle affirme que c'est le creusement du sous-sol, à cinq mètres de profondeur, qui va générer le ballet des camions chargés de déblai, des risques de fissures sur les immeubles environnants, et une dépense qui est partie pour dépasser les 60 millions d'€.
Il est vrai qu'on peut légitimement se demander si la création d'un auditorium, qui occupe une grande partie de l'espace, s'imposait, alors qu'on en a créé un à la Bourse du Travail (occupé par des sans-papiers depuis des mois) et un autre à la Gaîté Lyrique qui sera prochainement disponible.
Nous souhaitons quant à nous, que cette réhabilitation -qui s'imposait - s'accompagne d'une mise en valeur de la mémoire de l'enclos du Temple et du fantastique patrimoine qu'il a constitué jusqu'au XIXe siècle. Les panneaux d'information qui ont été placés sur les façades du carreau, et dont nous recommandons aux habitants la lecture attentive, nous y invitent. Chaque vestige doit être mis en lumière et commenté par des "écussons" comme ceux qu'on trouve dans le Marais, devant l'hôtel d'Hallwill par exemple.
Enfin, nous rejoignons l'association Marais-Temple pour demander que le donjon, qui fait l'objet d'un marquage au sol dérisoire devant la mairie, soit autrement symbolisé et illustré. Assez d'eau est passée sous les ponts pour que la période de la révolution française et la chute de la monarchie occupent sans passion ni complexes leur place dans l'histoire de notre pays.
Mots-clés : enclos du Temple, Carreau du Temple, Rotonde du Temple, église et cimetière du Temple