L'hôtel de Mayenne, 21 rue Saint Antoine (IVe). La gravure du haut représente l'hôtel dans son état originel du début XVIIème siècle, la photo du bas le montre avec son ajout actuel, au milieu, qui date de 1889. (cliquer sur la photo pour agrandir).
Nous sommes en face d'une situation étrange.
Sur la façade rue Saint Antoine, on peut lire au tableau d'affichage la notification par le Directeur Régional des Affaires Culturelles, d'un accord pour travaux. Il s'agit de la "restauration des façades et couvertures" du bâtiment classé Monument Historique en 1974.
Le dossier a été déposé le 23 décembre 2008 par la société qui gère l'école. Il inclut la démolition de la partie centrale du bâtiment, qui figure en "tâche jaune" (*) au PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais et le retour de l'hôtel à son état original de 1609, en application du PSMV . On relève dans les attendus "l'accord tacite du Maire de Paris". Les travaux sont financés par l'école mais au titre de la convention qui la lie à l'Etat, elle bénéficie d'une subvention. On comprend pourquoi les travaux de ravalement qui sont intervenus en 1993 n'ont concerné que les ailes du bâtiment, l'ajout au centre restant désespérément sale.
La direction de l'école est prête à commencer les travaux mais un évènement nouveau l'incite à ne pas se précipiter : la "Commission du Vieux Paris" a voté une résolution le 1er octobre demandant de renoncer à la démolition de l'ajout.
Elle justifie sa demande en relevant que le corps de bâtiment ajouté au-dessus du portail a été réalisé à la fin du XIXe par un architecte de renom, Alfred Coulomb, et que les orientations prises dans la révision du PSMV vont dans le sens d'une meilleure prise en compte du style XIXe. Elle insiste sur la difficulté de restaurer les parties manquantes en l'absence de documents qui les décrivent.
Le directeur de l'école que nous avons rencontré, veut rester prudent, en insistant sur sa préoccupation essentielle qui est le bien-être et la sécurité des enfants. Ensemble, nous avons visité la salle qui serait sacrifiée : 100 m² d'une belle pièce avec vue sur la rue décorée de peintures XIXe, qui sert en ce moment de salle de musique. On comprend, malgré sa réserve, qu'il ne serait pas mécontent de conserver cet espace, même si la place ne manque pas dans l'arrière cour, à l'emplacement des anciens jardins, où plusieurs bâtiments (qu'Alexandre Gady qualifie "d'indigents") ont été construits dans les années 70.
Du côté du Service Départemental de l'Architecture et du Patrimoine (Bâtiments de France), on ne voit aucune raison pour remettre en question un dossier qui est bouclé. Les architectes soulignent du reste que l'ajout concerné n'est pas une "oeuvre" représentative du XIXe mais un ouvrage qui "accompagne" le style Louis XIII de l'hôtel, et que les manuels consacrés au Marais qualifient de "pastiche". Elle nie qu'il soit difficile de retrouver la trace du décor original, qu'on devrait découvrir en le dégageant de son habillage actuel. Il y a eu un précédent similaire avec l'hôtel de Sully, au 62 de la même rue, dont la restauration est réussie.
La "Commission du Vieux Paris" a un rôle consultatif auprès du Maire de Paris, qui a l'habitude de suivre ses recommandations. Elle n'a cependant pas autorité sur le Marais. C'est pourquoi elle demande que sa résolution soit portée devant la "Commission Locale du Secteur Sauvegardé" du Marais, pour qu'elle statue.
On verra bien, puisque nous en sommes membre, si le sujet figurera à l'ordre du jour de la réunion de décembre. On pourra peut-être mesurer aussi quel peut être l'impact d'une décision de cette instance qui contreviendrait au PSMV en vigueur. N'y a-t-il pas un risque de le "détricoter" avant que le PSMV nouveau ne soit approuvé (pas avant 3 à 4 ans) ?
Nous sollicitons ardemment l'avis de nos lecteurs. Nous nous sommes efforcés de décrire objectivement la situation et les enjeux sans prendre partie. Vos commentaires, messages, témoignages seront appréciés et pris en compte. Nous en parlerons aussi au cours de nos visites guidées dans le Marais (la prochaine a lieu le 10 décembre).
(*) Les "taches jaunes" correspondent à des édifices "à démolir" au titre de la mise en valeur du patrimoine
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Post Scriptum du 20 novembre 2009 :
La résolution de la "Commission du Vieux Paris" se réfère à la charte de Venise (1964) pour la restauration des monuments anciens. Consultation de la charte