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Cette église, Jean-Etienne Chautard la connait bien. Depuis qu'il s'est installé en face, au 16 de la rue, il a assisté à sa restauration et au retour des pots à feu (*) de quatre mètres de haut qui ceinturent la coupole. Il s'est aussi passionné pour un lieu où "l'histoire pèse d'une densité particulière". Derrière l'église se cache l'ancien couvent des Filles de la Visitation, une institution qui s'apparentait au Carmel par la rigueur de sa règle.
Les activités de notre association nous ont conduits vers lui. Nous nous sommes rencontrés. C'est un personnage captivant, passionné d'histoire et d'architecture au point d'avoir décidé, pour conduire ses recherches, de travailler à mi-temps, à la Coface où il est cadre commercial.
Ses travaux tiennent dans une brochure de 120 pages intitulée "16 rue Saint Antoine, 1608-2009 : 400 ans d'histoire". Ils ont bénéficié de l'intérêt et de l'aide des Archives Nationales. Ils sont consacrés à la vie patrimoniale de la congrégation qui a vécu autour de son immeuble du 16 de la rue Saint Antoine, au sein d'un périmètre délimité par l'impasse Guéménée, la place des Vosges, la rue des Tournelles et la rue Saint Antoine, celle des "Filles de la Croix". Des religieuses ouvertes sur le monde, contrairement à leur vis à vis, dont la charge était "d'éduquer les jeunes filles".
On avait donc face à face, de part et d'autre de la rue, avec la Bastille en toile de fond, deux couvents qui ont laissé leur empreinte sur le quartier d'aujourd'hui.
Au contraire des Filles de la Croix, celles de la Visitation vivaient donc recluses. Cet engagement leur valut une rigueur plus élevée de la part des révolutionnaires de 1789, qui avait peu d'estime pour les excès de piété. On les éjecta très vite de leurs murs et de leur cloître qui reçurent ultérieurement des affectations profanes et subirent divers outrages architecturaux qui subsistent de nos jours.
Cloître de la Visitation. Les arcades ont été fermées. La galerie est convertie en "show-rooms". Un atelier en briques (à droite) occupe le centre de la cour pavée.
Ces ajouts doivent disparaître au titre du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais. Les instances chargées de sa révision verront-elles d'un meilleur oeil ce tribut payé par l'histoire et la culture au commerce et à l'industrie des XIXe et XXe siècles ? On devra attendre pour savoir.
Allons ensemble de l'autre côté de la rue retrouver Jean-Etienne Chautard dans son appartement du XVIIe. On entre malheureusement par un garage (350 places de voitures), qui se prolonge loin derrière au coeur de ce qui a été le couvent des Filles de la Croix. On se dit qu'on ne pleurerait pas sa disparition mais on se demande comment, en pratique, plusieurs étages de béton pourraient être curetés sans parler de l'opposition que pourrait susciter un tel projet chez les clients utilisateurs du parking.
L'immeuble du 16 a connu deux surélévations successives mais le deuxième étage où nous nous rendons est d'origine même si, bizarrement, les trois fenêtres sur rue ont été rétrécies par une reprise de maçonnerie. Le clou de la visite est l'escalier.
Il vaut à lui seul le détour. C'est un bel escalier Louis XIII "à quatre noyaux et ballustre de bois carrés, du milieu du XVIIème siècle", qui dessert les quatre premiers étages.
Avec l'hôtel de Sully, sompteusement restauré, l'hôtel de Mayenne qui fait pendant et attend sa propre restauration, ces anciens couvents où trône l'ouvrage remarquable qu'est l'église de la Visitation, on a envie de se retourner et voir par enchantement la porte Saint Antoine et la Bastille qui complétaient si richement la perspective. On se dit que les révolutionnaires auraient été bien inspirés, ayant pris la forteresse de la Bastille, de la conserver pour la transmettre à la postérité.
A gauche, les bâtiments du couvent des Filles de la Croix. A droite, l'église de la Visitation et l'hôtel de Mayenne. Au fond, la Bastille. (gravure d'époque)
(*) Pot à feu : ornement représentant un vase d'où sortent des flammes
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