Le "fardier" de Cugnot, copie de la version originale du Conservatoire des Arts & Métiers
Spectacle insolite ce samedi matin : un engin antédiluvien, crachant vapeur, sort de la rue Eugène Spüller pour s'engager dans la rue de Bretagne (IIIe) en direction de Réaumur. Devant lui service d'ordre et policiers en tenue lui frayent un chemin dans la foule des curieux. Il a l'air d'un dragon. Les machinistes qui ont déclenché sa marche s'agitent comme des apprentis-sorciers qui redoutent de ne pouvoir maîtriser les foucades de la bête.
En hommage à la ville de Void-Vacon, dans la Meuse, qui a vu la naissance de Nicolas-Joseph Cugnot, cet exemplaire unique a été construit sous la direction de l'Ecole Nationale des Arts & Métiers Paristeck. Il reproduit à l'identique l'original de 1769 qui est exposé au musée des Arts & Métiers (IIIe).
Cugnot l'a créé dans un but militaire : le transport de charges lourdes, dévolues jusqu'alors aux chevaux. La vitesse prévue était en ligne avec cet objectif : 3 à 4 km/heure. Pour avoir assisté au parcours de sa réplique samedi dernier, on peut confirmer que cette performance est à peu près atteinte mais au prix de hoquets qui donnent le sentiment, à tout instant, que l'engin va rendre l'âme.
Quelques données techniques :
Réservoir, moteur et transmission (cliquez dans l'image pour l'agrandir. Dans sa taille maximum, la chaîne est visible derrière la partie inférieure de la tige du piston)
La "marmite" qui est installée à l'avant en porte-à-faux comporte un foyer (le combustible est le bois) et une réserve d'eau de 250 litres portée à ébullition. La vapeur produite ne dépasse pas 1,5 kg/cm². La machine comporte deux cylindres (30 cm de diamètre environ) alimentés alternativement en vapeur par un robinet à deux voies. Le mouvement alternatif et linéaire des pistons est transformé en mouvement circulaire de la roue avant motrice et directrice (on a sous les yeux l'ancêtre de la traction avant) par une cinématique peu orthodoxe. Pas de bielle, pas de villebrequin, pas d'excentrique ici, mais une roue à rochet avec cliquet réversible qui autorise la marche avant-arrière. La liaison (flexible) entre la tige du piston et le secteur porte-cliquet est assurée par une grosse chaîne métallique.
Explications pour ceux qui ont une âme d'ingénieur
Cet atelage à peine digne d'un matériel de levage donne au véhicule une progression par à-coups que son inertie ne réussit pas à corriger.
Le fardier de Cugnot version 2010 restera exposé toute la semaine du 25 au 31 octobre avec des démonstrations statiques. Ceux qui n'ont pas eu la chance de le voir progresser dans les rues de Paris peuvent se faire une idée de l'évènement en cliquant dans la vidéo ci-dessous :
Vidéo essais de fonctionnement à Void Vacon (Meuse)
Intéressé par l'association : Cliquez ICI