Les bouquinistes font partie de l'histoire de Paris. En consacrant les berges de la Seine "Patrimoine Mondial", l'UNESCO a aussi distingué cette profession qui se dit aujourd'hui en péril.
Depuis quelques jours, vous pouvez voir quai de l'Hôtel de Ville (IVe) un alignement de quatre plus un modèles de coffres new-look, numérotés de 1 à 4, avec leur description et le rationnel qui sous-tend leur design. Les architectes-urbanistes ont du génie pour justifier leurs choix. Ils savent donner le sentiment que rien n'a été laissé au hasard ou à l'improvisation. Voici le choix qui nous est proposé. Les noms des modèles sont le fruit de notre imagination et notre penchant pour le burlesque.
Voici le modèle "sansonite", renforcé sur les angles, inspiré des "fight cases" (coffres de combat) ; permet au bouquiniste de stocker des affaires personnelles. Les faces sont en "pin filmé, faciles d'entretien". Ils dispose d'un éclairage interieur à base de led ce qui fait tout son charme lorsqu'il est fermé.
Celui-ci est d'une grande banalité. Pardonnez notre manque d'originalité : il a notre préférence, car il est à peu près conforme aux coffres actuels qui font partie de notre imaginaire des quais de Seine. On regette les tubulures métalliques, mais c'est un détail qu'on peut facilement changer. C'est le modèle "classique".
Après la valise, le cercueil. Ce modèle en matière plastique fait froid dans le dos. Appelons le "cercueil" et passons au suivant..
Voici le "diamant", doté à sa partie haute de multiples facettes qui brillent de mille reflets. Parois plastiques. Amusant .... On se dit qu'on doit quand même payer cher ce genre de facéties.
Celui-ci est hors concours. Il n'est pas numéroté. Il serait acceptable s'il n'avait pas cette excroissance qu'on voit à droite et qui doit avoir une raison fonctionnelle. Sans sa bosse, il passerait inaperçu. On va l'appeler "le bossu", pour cette raison et parce qu'on n'est pas loin de Notre-Dame.
Nous avons interrogé à ce sujet François Dagnaud, l'Adjoint de Bertrand Delanoë chargé de la propreté. Voici ce qu'il nous dit :
"Permettez-moi de vous rassurer immédiatement : il n’est absolument pas question d’imposer de nouveaux coffres aux bouquinistes.
Comme vous le soulignez justement, la Ville a fait exceptionnellement nettoyer et remettre en peinture gracieusement depuis juin 2011 un millier de boîtes installées, sans que ces commerçants ne paient de redevance, sur les quais de Seine.
Bien que les bouquinistes soient propriétaires et responsables de l’entretien de ces coffres, la vétusté de certains coffrages fabriqués artisanalement sans autre contrainte que la longueur et la couleur, mettait en péril cette activité commerciale classée aujourd’hui au patrimoine immatériel de l’Unesco.
La Ville a donc engagé une réflexion avec les bouquinistes pour leur proposer de nouveaux modèles de coffres, plus pérennes et plus facile d’entretien. Avec le partenariat de designers, elle a présenté il y a un mois environ 4 prototypes qui sont effectivement testés in situ sur une margelle disponible des quais. A cette occasion les bouquinistes ont pu faire de nombreuses remarques sur l’étanchéité et la solidité de ces boîtes. Dans les mois qui viennent, les designers vont retravailler leurs prototypes pour faire des propositions plus abouties.
A la suite de ces expérimentations, si elles aboutissent, les bouquinistes seront libres de décider de choisir ou non d’acquérir ces nouveaux modèles de coffres.
Vous le constaterez, il ne s’agit là que d’une proposition visant à pérenniser une activité à laquelle les Parisiens et les touristes sont particulièrement attachés.
Cordialement"
François Dagnaud, élu du XIXe, Maire-Adjoint de Paris, chargé de la propreté et du traitement des déchets
Nous voilà partiellement rassurés : le pire sera sans doute évité car il est vrai que les parisiens et tous ceux qui par le monde aiment notre ville, seraient très déçus que ce symbole de Paris soit maltraité. (Nous vous recommandons à ce propos d'aller sur le site ami "Sauvegarde du site de Notre-Dame). Nous sommes allés sur place avec le grand froid que nous subissons en ce moment. Un seul bouquiniste avait ouvert ses coffres : Ferdinand, à l'adresse factice de "quai Louis-Ferdinand Céline", l'écrivain qu'il place au firmament des lettres, avec Marcel Proust.
Il n'est pas tendre avec le Maire de Paris, qu'il accuse de vouloir condamner sa profession et transformer les bouquinistes, qui sont des libraires avec toute la culture qu'on attache à ce mot, par des "ouvre-boites", entendez de simples vendeurs à la sauvette qui proposeraient quelques livres neufs et une foule d'articles de Paris à une clientèle festive comme celle de Paris-Plage.
Selon lui, la Ville aurait financé l'étude d'une canadienne, Hélène Tyrol, qui a présidé le groupement des bouquinistes du Saint-Laurent au Québec. N'ayant pas réussi là-bas, "où c'était la foire" dit-il, "elle s'est rabattue sur Paris".
Ambiance .... A propos de l'état des coffres : "si les bouquinistes étaient tous propriétaires, ils les entretiendraient. C'est aux propriétaires de s'en occuper, pas à la Ville". Certes, mais on a vu ce que ça a donné. Les nouveaux prototypes : "trop légers, ils ne résisteron pas au vent, pas étanches, pas solides" ....
Il faudra beaucoup de persuasion pour convaincre Ferdinand. Mais ce serait une erreur aussi de ne pas écouter cet homme qui connait et aime son métier avec une passion qui impressionne.
L'étalage de Ferdinand, quai dit "Louis-Ferdinand Céline", 10 mètres de linéaire et 6 coffres, grand spécialiste de cartes murales anciennes
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