Le Comte
Te mesurer à moi ! qui t'a rendu si vain
Toi qu'on n'a jamais vu les armes à la main !
Don Rodrigue
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître
Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître.
Le Cid, Corneille, acte II scène 2
Benjamin Lancar pourrait méditer ces vers du Cid. Âgé de 26 ans à peine, il se lance à l'assaut d'une circonscription qui n'est pas jugée facile pour lui. Il est appuyé par Déborah Pawlik, sa suppléante, de quelques années à peine son ainée.
Benjamin Lancar est diplômé d'HEC et de Sciences Po. Il est conseiller régional d'Île-de-France depuis 2010 et président des "Jeunes Populaires" (UMP). Il n'a pas eu l'occasion encore d'exercer des activités en entreprise mais il a eu des responsabilités sociales dans la direction de centres de vacances. Il a aussi enseigné les mathématiques pendant cinq ans à des jeunes candidats aux grandes écoles. En 2011, l'UMP le nomme "secrétaire national à la nouvelle économie". Il a ouvert une permanence dans le Xe et une autre dans le IIIe, 44 rue du Vertbois.
Déborah Pawlik a fait des études en sciences politiques, elle aussi. Elle a été assistante parlementaire à l'Assemblée Nationale puis chef de cabinet de Rama Yade alors secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires Etrangères. Depuis neuf mois, elle est chef de cabinet à la Commission Générale au Développement Durable.
La première partie de l'entretien a été consacrée aux sujets d'intérêt national. Nous avons commencé avec la dette. C'est une des priorités du programme du candidat Nicolas Sarkozy. M. Lancar estime qu'il est le seul, avec concède-t-il, François Bayrou, "à s'en préoccuper sérieusement et à être crédible". Pour lui l'arrivée de François Hollande au pouvoir signifierait l'entrée de la France dans le groupe des malades de l'Europe qui inclut la Grèce, l'Italie et l'Espagne (sans parler de l'Irlande et du Portugal) et "porterait en soi un risque de catastrophe et de faillite".
Il nous détaille sa feuille de route : déficit de 4,7% en 2012, 3% en 2013, 2% en 2014 et l'équilibre en 2016. A la remarque que son concurrent principal a lui aussi son plan de redressement, Benjamin Lancar répond que "les hypothèses de croissance sur lesquelles s'appuie le projet socialiste ne sont pas raisonnables et pour tout dire irréalistes". Il souligne que François Hollande ne propose "aucune économie de dépenses"
D'ici à 2016, il rappelle que, pour Nicolas Sarkozy, il y a 115 milliards d'€ de redressement budgétaire à opérer, qu'il entend obtenir par 70 milliards de réduction des dépenses et 45 milliards d'accroissement des recettes. Sur ces 45 milliards, 32 milliards ont été déjà votés. Reste 13 milliards à trouver. Ce sont les exilés fiscaux qui en feront les frais et les entreprises internationales qui paient trop peu d'impôt en France au regard de leurs revenus. A celles-là, un impôt forfaitaire sur le chiffre d'affaires sera appliqué".
S'agissant des dépenses, son parti entend poursuivre la "révision générale des politiques publiques" (le "cost-killing" anglo-saxon"), "la maitrise et la rationalisation des dépenses de santé" (il rappelle que l'assurance-maladie vient d'annoncer un économie de 8,5 milliards d'€ sur son budget courant), "le remplacement d'un fonctionnaire sur deux, y compris dans les collectivités territoriales". Il pourrait y avoir quelques exceptions mais ce principe reste la règle.
On a parlé du logement, problème prioritaire pour la plupart des français, plus aigu sans nul doute à Paris. M. Lancar récuse l'accusation qui est faite au gouvernement de n'avoir pas assez construit. Il rappelle que le programme de logements neufs était de 135.000 par an et qu'il a été respecté (l'abbé Pierre en réclamait, il est vrai, 150.000). La production de logements étudiants a suivi les préconisations du rapport Anciaux.
Il admet néanmoins que des efforts restent à faire. Mesures proposées : pas d'encadrement des loyers mais division par deux des droits de mutation sur la résidence principale (NDLR : les prix baisseraient de 3% environ, les communes y perdraient une recette importante), élargissement des règles d'urbanisme pour étendre de 30 %, là où c'est possible, le coefficient d'occupation au sol. A propos du logement social, il milite avec son parti pour un "contrôle annuel de l'éligibilité des occupants et l'incitation à l'accession à la propriété".
Considérant que la pénurie de logements locatifs est largement due à la réticence des propriétaires face au risque de non-paiement, il songe à instaurer, à côté du modèle de bail traditionnel, une version "donnant-donnant" par laquelle le locataire troquerait une partie de ses droits au maintien dans les lieux, contre un loyer plus bas.
L'obligation de construire du logement social (20% par commune dans la loi SRU) lui semble devoir relever davantage d'une approche plus large, au niveau de communautés urbaines telles que le "Grand Paris". Une proposition qui pourrait faire grincer des dents : l'attribution des logements sociaux par un "jury de citoyens", "par souci de transparence".
On n'a pas voulu éluder les questions d'intérêt local. La propreté : "il faut en faire une priorité absolue". Les amendes pour utilisation abusive de l'espace public "doivent être dissuasives". (On lui a rappelé qu'un projet de loi socialiste dans ce sens avait avorté l'an dernier faute de motivation de l'UMP). A la tentation - perceptible - d'exploiter de manière intensive le patrimoine architectural de Paris et de ses sites les plus attractifs, nous avons fait remarquer que la qualité de vie des habitants ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de l'économie locale, notamment des commerces. Quand les habitants songent à partir, c'est le début de la fin de la poule aux oeufs d'or dans un centre ville transformé en musée ou en parc d'attractions.
Dans cet ordre d'idées, nous avons mis en garde nos interlocuteurs contre la transformation de nos quartiers en hôtels meublés dont les logements sont loués à la semaine. Là comme ailleurs, c'est affaire de mesure. L'exploitation extensive de ce commerce est elle aussi incompatible avec la qualité de vie des habitants permanents, qui sont aussi ceux qui votent.
Nous avons retenu le projet d'instaurer un péage urbain à Paris (dans les 11 premiers arrondissements) et une police municipale (NDLR : qui existe déjà peu ou prou avec la DPP -direction de la prévention et de la protection).