Façade du 5 rue Payenne
En plein cœur du Marais, au 5 de la rue Payenne, à deux pas du musée Carnavalet, jouxtant le Centre Culturel Suédois, se trouve un immeuble du XVII ème siècle remanié au début du XXéme siècle dont la fonction est inattendue.
La façade est sobre, quelques agréments attirent cependant l’œil, un buste une inscription et deux laques constituant une sorte de rébus à l’adresse du passant. Le buste est celui d’Auguste Comte. L’inscription en grosses lettres est la suivante : « Religion de l’Humanité. L’amour pour principe et l’ordre pour base, le progrès pour base ». La première plaque rappelle que le célèbre François Mansart habita à cet emplacement durant les vingt dernières années de sa vie. La seconde près de l’entrée indique qu’il s’agit de la Chapelle de l’Humanité.
Nous sommes effectivement en présence d’un édifice religieux, le seul en France et même en Europe dédié au positivisme dont le fondateur est Auguste Comte (1798-1857). Trois autres édifices ayant la même fonction existent, ils sont tous situés au Brésil.
Buste d'Auguste Comte
Très influencé par Saint Simon dont il fut un temps le secrétaire, Auguste Comte est le père du positivisme, une doctrine ou philosophie qui rejette tout ce qui tient du métaphysique ou du théologique, au profit de l’expérience la seule manière de vérifier ses connaissances, d’affirmer une vérité. Cela l’a conduit à vouloir réorganiser la société. Influencé par son égérie Clotilde de Vaux, il a ensuite érigé le positivisme en une religion sans dieu dont le culte est l’Humanité constituée uniquement de « l’ensemble des êtres passés, futurs, et présents qui concourent librement à perfectionner l’ordre universel ».
Intérieur de la chapelle Arcs brisés et personnages illustres
En fait la chapelle, aménagée en 1903 par des mécènes positivistes brésiliens, est située au premier étage. Elle respecte les plans de son inspirateur. Elle est toute à la gloire du philosophe. Très semblable à une église catholique, un autel imposant surmonté d’une fresque représentant une femme (l’humanité) avec un enfant (l’avenir) dans ses bras fait face à l’entrée. Sur le pourtour sont disposés des arcs brisés dans lesquels sont peints des personnages illustres (Homère, Descartes, Dante, Shakespeare et même Charlemagne). Ils représentent le calendrier élaboré par notre philosophe comportant 13 mois lunaires de 28 jours.
Il importe de noter que la pensée d' Auguste Comte a trouvé écho au Brésil au point que sa devise « Ordre et progrès » figure sur le drapeau du pays!
Cet endroit confidentiel est donc très particulier, inattendu. Il apparaît comme une véritable bonbonnière, résumé de toute la pensée d’un homme. Il est classé monument historique depuis 1982.
Rarement ouvert au public, il est possible néanmoins de visiter le lieu lors des journées Nomade ou sur rendez-vous. Contacts tel : 01 43 26 08 56 ou [email protected]
Dominique Feutry
Le choix de cet édifice pour y installer le Temple positiviste n'est pas le fruit du hasard. En effet, les mécènes brésiliens avaient jeté leur dévolu sur l'immeuble où avait vécu Clotilde de Vaux, croyaient-ils. Ironie de la petite histoire, ils s'étaient trompés d'un numéro dans la rue. La "Vierge-Déesse-Humanité" qui emprunte ses traits à Clotilde de Vaux - dit-on - comme pour rendre sa présence éternelle en ces lieux, n'est pas à la bonne adresse...
On s'étonnera peut-être de cette empreinte brésilienne à Paris. Elle s'explique par l'extraordinaire influence des théories positivistes en Amérique latine et la foi des classes dominantes dans un progrès bien encadré. La devise qui orne encore aujourd'hui le drapeau brésilien "Ordre et Progrès" est d'ailleurs directement empruntée à Auguste Comte. Elle n'a disparu des armes du Mexique qu'avec la chute de Porfirio Díaz et la Révolution mexicaine des années 1910.
Rédigé par : Lauro C. | 13 juillet 2012 à 09:27