A la lisière du Marais, rue Amelot, se trouve une incontournable du paysage parisien, le Cirque d’Hiver inscrit à ISMH (inventaire supplémentaire des monuments historiques) en 1975.
Qui pourrait aujourd’hui imaginer qu’il était le pendant du Cirque d’Eté, détruit en 1900, édifié lui aussi par le célèbre architecte Hittorff (à qui l’on doit la Gare du Nord, les fontaines de la place de la Concorde…) en 1841 au Carré Marigny ? La rue actuelle du Cirque fait référence à cet édifice dans lequel Hector Berlioz se plaisait à donner des concerts. Sans la volonté du demi-frère du futur Napoléon III, le duc de Morny, le Cirque d’Hiver n’aurait pas vu le jour.
Le bâtiment inauguré par le prince Louis-Napoléon fin 1852, après 8 mois de travaux, est un polygone de vingt côtés ornés de bas-reliefs polychromes en frise et percés de 40 fenêtres. La charpente est en bois. L’entrée est encadrée de deux statues équestres, le Guerrier et l’Amazone tels deux gardiens. La salle qui comporte un magnifique décor antique a été conçue pour recevoir jusqu’à 5900 spectateurs. Les normes de sécurité édictées depuis lors ont ramené sa capacité à 1650 places.
A l’origine le cirque, appelé Cirque Napoléon durant le Second Empire, était destiné presqu’exclusivement à l’art équestre, ce que ne renie pas la famille Bouglione qui est aujourd’hui aux manettes. Mais rapidement les clowns et les trapèzes volants sont au programme et des concerts populaires y sont organisés par la fameuse Société des Concerts Pasdeloup. Face à la défection du public attiré par les cirques ambulants dotés de grandes ménageries, le Cirque d’Hiver survit grâce à des rencontres de catch ou des conférences. Il est même transformé en 1907 en cinéma Pathé puis, après la 1ère Guerre Mondiale, en théâtre populaire.
Ce n'est qu’à partir de 1923 qu’il redevient un cirque avec un spectacle imaginé par les frères Fratellini. En 1934, les frères Bouglione achètent le Cirque, restaurent le bâtiment et donnent des spectacles devenus célèbres souvent conçus dans la tradition de la « pantomime » quelque peu oubliée. Les grands clowns tels les Fratellini ou Zavatta se produisent dans ce lieu devenu mythique. Des scènes du célèbre film «Trapèze» y ont été tournées. Un trapéziste devenu l’acteur Yul Brynner y fit ses débuts et les premières retransmissions de la « Piste aux Etoiles » ont été diffusées en direct du Cirque d’Hiver.
Désormais, sans oublier sa destination première et traditionnelle de cirque, la salle sert aussi bien pour des spectacles aussi divers que des galas , des concerts symphoniques, des récitals, des comédies musicales, du théâtre, des meetings politiques ou des réceptions depuis que l’écurie et la ménagerie ont été restaurées à cet effet.
Henry Miller a écrit à propos du cirque: "Le cirque est un petit bout d'arène close, propre à l'oubli. Un temps plus ou moins bref, il nous permet de ne plus penser à nous, de nous dissoudre dans l'émerveillement et la félicité, d'être transportés de mystère". N'est ce pas ce que tous les spectateurs qui se sont succédé rue Amelot ont ressenti en assistant à un spectacle dans cette salle plus que centenaire !
Dominique Feutry