Entrée de la Banque de France, rue Radziwill (Ier)
Récemment j’ai eu l’occasion de visiter les locaux historiques du siège de la Banque de France au 31, rue Croix des Petits Champs (Ier) à deux pas de la Place des Victoires. Il s'agit d'une chance et je souhaite partager ce que j'ai pu apprendre au sujet de ce patrimoine assez exceptionnel dont l'accès est difficile pour des raisons évidentes de sécurité.
On ne sait pas toujours que l’ensemble est formé de bâtiments construits au fil du temps en fonction des besoins de l’Institut d’Emission et qu’il comprend une ancienne et grande demeure, celle de l’Hôtel de Toulouse, témoignage des fastes passés. L’immeuble s’appelait à l’origine l’Hôtel de le La Vrillière du nom du secrétaire d’Etat qui le fit construire en 1640 par François Mansart dont ce fut la première réalisation d’importance. L’idée du propriétaire était notamment de pouvoir y abriter sa riche collection de peintures essentiellement italiennes. Pour ce faire le célèbre architecte conçut une longue et large galerie (40 m de long, 6,5 m de large et 8 m de haut) sur le modèle de celle qui existait au Palais Farnèse et qui servit d’exemple pour la galerie des Glaces à Versailles ou celle d’Apollon au Louvre. Le plafond est peint à la fresque par François Perrier qui fut assistant de Simon Vouet et professeur de Charles Le Brun. On lui doit la décoration du Cabinet des Muses de l’Hôtel Lambert (IVe). Quant aux murs, ils sont recouverts de 10 toiles prestigieuses exécutées en autres par Pierre de Cortone, Le Guerchin et Nicolas Poussin.
Passé aux mains d’un Fermier des Postes, l’Hôtel est acheté en 1713 par le Comte de Toulouse, un des fils naturel de Louis XIV et de Madame de Montespan. L’Hôtel prend alors son nom, toujours actuel, d’Hôtel de Toulouse et restera dans cette famille jusqu’à la Révolution. Il fait procéder à des aménagements par l’architecte Robert de Cotte. Sont installés des lambris dorés aux sculptures extrêmement abondantes de pur style Régence. Elles sont exécutées par François Antoine Vassé qui travailla pour le château de Rambouillet. Les travaux dureront 5 ans. Elles sont toujours en place et classées depuis 1926. Il faudrait des journées entières d’observation pour s’imprégner de l’ensemble des représentations sculptées représentées avec une minutie impressionnante et qui abondent sur les panneaux très vastes ouvragés sur toute leur surface. Les objets d’art et de nombreuses œuvres achetés par le duc de Penthièvre, fils du Comte de Toulouse, viennent compléter les collections. Lorsque ce dernier s’éteint en 1793, la propriété est saisie et les œuvres dispersées dans des musées notamment en province.
La Banque de France déménage de la place des Victoires pour s’y installer en 1810, 7 ans après que Napoléon Bonaparte lui ait donné le monopole d’émission des billets. L’hôtel de Toulouse mal entretenu qui abrita un temps l’Imprimerie Nationale ne sera restauré qu’en 1865, année où est décidé un important programme de réhabilitation de la Galerie Dorée car la voûte est en passe de s’effondrer tant les désordres qu’elle présente sont importants. Il faudra 5 ans de travaux. La copie peinte sur une toile à l’identique de la fresque de Perrier sera appliquée sur la fausse voûte reconstituée et que l’on peut admirer aujourd’hui. De même les 10 grands tableaux transférés dans les grands musées de province seront copiés et remis dans leur emplacement dans les boiseries. Cette grande galerie sert désormais pour des réceptions, des grandes réunions internationales, elle fut aussi utilisée un temps pour faire passer les concours d’entrée des cadres de la Banque…
D'autres salons et bureaux renferment de belles pièces de mobilier français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ainsi que des tapisseries, des porcelaines, des tapis et des peintures, certaines ont été exécutées par des artistes de renom comme Fragonard ou Boucher.
Jardin intérieur de la Banque de France
Bien entendu la Banque de France est dépositaire de l’histoire et de la préservation des lieux qu’elle occupe, de sa propre histoire aussi puisqu’ elle a investi ce groupe d'immeubles (dont elle a augmenté la surface au XIXe siècle) depuis plus de 200 ans. Mais elle reste aussi une institution et un acteur importants dans le paysage économique français, une entreprise et un lieu de travail. Elle est à la fois institut d’émission, garant de la stabilité monétaire au sein de l’Euro système, garant de la sécurité des moyens de paiement, superviseur des établissements de crédit et d’assurance. Elle gère les réserves de change de la France (or et devises) et traite le surendettement des particuliers. Au–delà de ce rappel, pouvoir visiter la Banque de France est un "must". En y pénétrant, nous sommes plongés au sein même de l’un des prestigieux palais de la République si caractéristiques des lieux de pouvoir de notre pays. Il est possible de téléphoner longtemps à l’avance pour obtenir l’autorisation de visiter les lieux le samedi matin. Sinon, il reste les journées du patrimoine, mais la file d’attente est longue.
Dominique Feutry