Le Bazar de l'Hôtel de Ville (angle des rues du Temple et de Rivoli) indissociable de son illustre voisin
Lorsque des clients ou des flâneurs se rendent au BHV, peu d’entre eux imaginent que cet important magasin, devenu emblématique dans le paysage du sud du Marais, au même titre que l’imposant Hôtel de Ville, est né au début de la seconde moitié du XIXe siècle, de la vente par des camelots de bonneterie exposée dans de simples parapluies. Ces vendeurs étaient à la solde d’un certain Xavier Ruel, un commerçant imaginatif, quincaillier lyonnais, venu à Paris pour faire des affaires. Il s’aperçoit assez vite que la meilleure zone de chalandise est à l’angle de la rue des Archives et de la rue de Rivoli, une zone très passante.
C’est donc tout naturellement qu’en 1856 il parvient à s’installer à cet endroit en ouvrant son commerce qui est encore loin de connaître l’ampleur qu’il déploiera plus tard sur la rue. L’histoire veut qu’à cette époque, les chevaux de l’attelage de l’impératrice Eugénie qui passait devant le magasin se sont emballés. Xavier Ruel réussit à maîtriser la monture. Il reçoit une récompense qu’il investit aussitôt dans son magasin dont le nom est le Bazar Napoléon.
Les affaires sous le Second Empire sont prospères, la France et Paris en particulier connaissent un développement sans précédent. De nombreux autres grands magasins sont aussi fondés durant cette période : le Bon Marché (1852), les Grands Magasins du Louvre (1855), la Belle Jardinière (1856), le Printemps (1865) et la Samaritaine (1869). Si par contre les Trois Quartiers avaient été créés bien plus tôt en 1829, les Galeries Lafayette n’ont quant à elles été ouvertes que beaucoup plus tard, en 1895 !
Dans ce contexte de forte expansion, notre entrepreneur réussit et il parvient en 1866 à louer de plus grandes surfaces au 54 rue de Rivoli, mais il occupe toujours une façade assez réduite sur la rue, l’activité s’étendant à d’autres immeubles formant îlot. Les parisiennes apprécient la modernité affichée du magasin et ses comptoirs à prix fixes. Lorsque Xavier Ruel meurt, en 1900 l’affaire, fidèle à ses aspirations est plutôt populaire. Elle compte 800 employés.
C’est un petit-fils, Henri Viguier qui, à 23 ans (il disparaîtra en 1967), prend les rênes du grand magasin. Il entreprend dès avant la première Guerre Mondiale d’énormes travaux, la rotonde et l’essentiel de la silhouette actuelle du magasin aménagés sur les plans de l’architecte Auguste Roy datent de cette époque. Le bâtiment s’élève sur 11 étages. Certains artistes connus, tels Marcel Duchamp, se fournissent au BHV pour créer leurs œuvres ajoutant à la notoriété du lieu.
En 1926, le magasin étend ses activités à l’ameublement et au confort de la maison. Durant la Seconde Guerre Mondiale des étages sont fermés faute de marchandises. A la fin du conflit, le BHV ouvre des espaces au sous-sol, puis installe son premier escalator en 1954. L’année précédente il avait mis en place un service clientèle destiné à régler les litiges. Dans les années soixante sont créés de nouveaux magasins en Ile de France. Son « vaisseau amiral » dispose de l’air conditionné dès 1966. A cette même époque, il est surélevé d’un étage.
Les anges sous la coupole veillent aux destinées du BHV
Dans les années 70, d’autres magasins seront ouverts axés sur le bricolage et la décoration. Il est bon aussi de rappeler que le BHV a institué dès 1932 les allocations familiales pour son personnel. De même durant le terrible froid de l’hiver 1954, touchés par l’appel de l’abbé Pierre, les dirigeants mettent des camions du magasin à disposition pour le transport des marchandises destinées aux nécessiteux.
Au plan capitalistique, le BHV réalise son introduction en Bourse en 1960, il passe ensuite dans le giron des Nouvelles Galeries (1969), puis dans celui des Galeries Lafayette (1991) qui le détiennent toujours aujourd’hui.
Le BHV après avoir fermé la plupart de ses magasins n’arrête pas de se transformer afin de résister à la concurrence toujours plus vive et essaie de trouver des services, espaces et nouveaux concepts qui le démarquent (espace homme, espace moto, espace chiens et chats, espace Médical, travaux à domicile, espace chaussures…). Il n’empêche que pour nombre de parisiens, il reste le « temple du bricolage » et les changements significatifs qui avaient été annoncés par le presse à l’automne dernier, nous avaient émus (voir notre article du 30 octobre 2012). Nous savons aujourd’hui qu’ils sont de moindre ampleur et que le BHV qui a pris son nom actuel l’année même de la Commune deviendra le « BHV Marais » en septembre prochain.
Nous souhaitons qu’il reste encore longtemps une des grandes institutions de la Rive Droite.
Dominique Feutry