Une des deux têtes de taureaux oeuvre d'Edme Gaulle (1819)
Lorsque l'on passe dans la petite rue des Hospitalières Saint-Gervais dans le IVe, qui rejoint la rue des Francs-Bourgeois et la rue des Rosiers, juste derrière l'espace des Blancs Manteaux se trouve une école sur la façade de laquelle se trouvent deux têtes, grandeur nature, de taureaux assyriens en bronze classées monument historique. Que font elles là à cet endroit et de surcroît sur le mur d'une école ?
En fait le bâtiment n'était pas destiné à devenir une école. Il était à l'origine une halle indépendante de la halle principale du Marché des Blancs Manteaux, de façon à séparer, pour des raisons hygiéniques, la viande des autres denrées. Sur ordre de Napoléon Ier, il est décidé en 1811 de lancer la construction de cinq marchés de quartier. Le Marché des Blancs Manteaux est installé à l’emplacement du couvent/hospice des religieuses de Saint-Anastase appelé aussi Saint-Gervais dont l'ordre fut dissout à la Révolution.
La congrégation avait elle-même repris au milieu du XVIIe siècle les bâtiments de l'Hôtel d'Adjacet ayant appartenu à François d'Ô, un favori de Henri III. Le nouveau marché est terminé en 1819, sa construction aura duré 6 ans. l'entrée de la halle de la boucherie est encadrée par deux fontaines, l'eau sort de la tête des taureaux ornés de fruits et de pendentifs qui leur donnent cet aspect "assyrien". Malheureusement les bassins ont été détruits ou ont disparu. L'auteur de ces deux sculptures est Edme Gaulle. Il travailla avec Rude sur la colonne Vendôme et restaura le bas relief du fronton de Panthéon.
Arrière de la halle principale du Marché des Blancs Manteaux permettant de rejoindre celle de la boucherie
Une erreur de conception a provoqué des désordres dans la charpente de la halle principale qui ont nécessité de remplacer la couverture par une couverture métallique en 1840. Il est important de noter aussi que Paris avait à l'époque et jusqu'au début du XXe siècle des vacheries où les habitants allaient chercher du lait frais (cf article du 16/10/2012 consacré au Marché des Enfant Rouges), on élevait aussi de la volaille et des porcs.
Fonctionnel, construit en pierres de taille, le marché, couvert dès l'origine, contenait 154 places. Pour faciliter la circulation autour du marché, de nouvelles rues sont créées, la rue des Hospitalières-Saint-Gervais et la rue du Marché-des-Blancs-Manteaux. Le marché a été fermé en 1910.
La halle de la viande du Marche des Blancs Manteaux en 1852 avec les fontaines en action
La halle de la boucherie fut intégrée à l'école et sert notamment de préau. Cette école qui intègre dans son périmètre un mur de l'enceinte de Philippe Auguste fut créée en 1844 accueillait essentiellement les enfants de la communauté juive du quartier et servait d'asile, c'est-à-dire recevait les élèves des classes ouvrières qui ainsi ne restaient pas dans la rue pendant que leurs parents travaillaient. Elle était ouverte le jeudi et fermée le samedi jour du sabbat. Il faut aussi rappeler que durant la Seconde Guerre Mondiale, 165 enfants juifs de cette école furent déportés et exterminés. Une plaque rappelle cet horrible passé.
En ce qui concerne le bâtiment du marché lui-même, qui a abrité un temps le laboratoire d'Hygiène de la Ville de Paris, il a été transformé en 1992 par les architectes Cuno Brullmann et Jean-Luc Crochon en centre d’animation, l'Espace des Blancs Manteaux. Ce lieu est devenu très connu depuis lors, en raison des nombreux évènements culturels artistiques qui s'y déroulent (expositions, salons spectacles, rencontres ...).
Une belle reconversion pour les bâtiments de cet ancien marché. Il est dommage que les alentours de ce lieu très fréquenté soient souvent sales, en particulier la petite rue du Marché des Blancs Manteaux qui mériterait d'être plus fréquemment nettoyée et l'angle de la rue des Rosiers et de la rue de Hospitalières Saint Gervais couvert depuis des mois de tags hideux au vu et au su de milliers de touristes qui fréquentent ce lieu !
Dominique Feutry