Le lycée Charlemagne 14, rue Charlemagne (IVe) ancienne maison professe des jésuites
Le lycée Charlemagne, 14 rue Charlemagne (IVe), occupe aujourd'hui des locaux situés entre la rue Saint-Antoine et la rue Charlemagne. Ces locaux ont fait partie d'un ensemble appartenant autrefois aux jésuites, dans un quartier habité alors par la noblesse. A la suite d'un don en 1580 du Cardinal de Bourbon, ils reçoivent l'Hôtel de Rochepot et Damville. L'hôtel initial est aménagé et des constructions sont ajoutées dès le début du XVIIe siècle pour en faire leur résidence qui sera la plus importante et la plus connue de l'ordre. Ils installeront dans celle-ci une maison professe destinée à accueillir théologiens et scientifiques jusqu' à leur expulsion un peu avant la Révolution.
Par ailleurs une partie de l' Hôtel sera démolie pour y construire la chapelle qui sera remplacée ensuite par l'imposante église Saint-Paul-Saint-Louis que nous connaissons aujourd'hui (cf notre article du 14 setembre 2012) qui fut richement meublée, les jésuites ayant souhaité en faire un centre intellectuel important. L'édifice montra par sa monumentalité toute l'importance que la Compagnie de Jésus attachait à cette fondation. La biblothéque constituée à la suite de legs était une des plus importantes de Paris et comptait plus de 40 000 volumes.
Etat actuel de la bibliothéque, qui contenait 40 000 volumes, décorée par Giovanni Gherardini
La plupart de confesseurs des rois seront issus de cet endroit notamment les plus célèbres, le Père de La Chaise ou le père Bourdaloue dont les prédications étaient très suivies. De 1762 à 1767, les bâtiments sont désertés suite à l'expulsion de la Société de Jésus par le duc de Choiseul qui fit femer leurs 200 collèges suite à l' «affaire Lavalette» (scandale financier qui suivit la banqueroute du jésuite Antoine Lavalette et donna l'occasion à Louis XV de bannir les jésuites de France).
En 1767, les chanoines réguliers de la réforme de Sainte-Geneviève, les Génovéfains du Val-des-Écoliers, acquièrent l'ensemble et s'installent dans le noviciat des Jésuites. Ils louent la grande galerie bibliothèque à la Ville de Paris pour y ouvrir jusqu'en 1790, la bibliothèque publique de la ville de Paris. À la Révolution française, les bâtiments deviennent un dépôt.
Quant à la bibiothéque, le Directoire la met en 1795 à la disposition de l'Institut National des Sciences et des Arts, 20 à 30 000 ouvrages sont alors pillés. C'est en 1797 que l'ancienne maison professe des jésuites est transformée en École Centrale de la rue Saint-Antoine. Une loi de 1802 édicte que l'école centrale de la rue Saint-Antoine devient le Lycée Charlemagne. En 1815 et jusqu'en 1848, il s'appellera alors le Collège Royal de Charlemagne et accueillera 400 pensionnaires. En 1840, il donne son nom à la rue et au passage qui le bordent.
Photographie du départ de l'escalier principal classé, prise verticalement
De l'habitation du Père général de la Maison professe, il ne reste qu'un petit bâtiment abritant aujourd'hui l'intendance du lycée ainsi que des appartements de fonction. L'ensemble, le « couvent des Grand Jésuites ». est à quelques modifications près le corps central actuel du lycée.
Eugène Chevreul photographié dans son cabinet de travail
La Maison professe n'est pas austère, elle présente une somptueuse décoration dont il reste peu de choses. Giovanni Gherardini (1638-1723), peintre italien de Bologne qui a beaucoup travaillé pour les jésuites en France, a réalisé la fresque de la grande bibliothèque et le plafond de l'escalier d'honneur dont la rénovation du lycée en 1994 a permis de retrouver certains vestiges, notamment un plafond à poutres peintes et des fragments de la fresque.
L'ancienne bibliothèque et l'escalier principal ont été classés monuments historiques en 1988.
Le grand chimiste Eugène Chevreul a enseigné dans ce lycée dans lequel sont passés nombre d'élèves connus. Citons parmi eux Honoré de Balzac, Gustave Doré, le Maréchal Joffre, Gérard de Nerval, Jules Renard, Léon Blum, Pierre Mesmer ou Francis Blanche.
Dominique Feutry