L'Hôtel de Saint Aignan et sa cour intérieure, 71 rue du Temple (IIIe)
Claude de Mesmes , comte d’Avaux, Surintendant des Finances de Mazarin, hérite d’un hôtel familial au 71, rue du Temple (IIIe) qu’il fait détruire pour édifier dès 1642 le bâtiment actuel connu sous le nom d’Hôtel de Saint Aignan qui abrite aujourd’hui le musée d’art et d’histoire du judaïsme. Les plans sont dessinés par Pierre Le Muet (1591-1669) qui devint architecte du roi et réalisa le château de Tanlay (Yonne) ou l’Hôtel de Comans d’Astry situé 18, quai de Béthune.
L’hôtel qui est aménagé comprend alors le bâtiment principal avec sa cour et une aile à droite qui est constituée pour partie d’une cuisine, d’une salle à manger et d’une galerie au premier étage. Un mur dit « renard », c’est-à-dire formant pendant mais factice, est construit sur l’aile gauche. Racheté par Paul de Beauvilliers, duc de Saint Aignan en 1688, des travaux de restauration et d‘embellissement sont entrepris, notamment la réalisation de l’escalier d’honneur. Le jardin est agrandi et son aménagement est confié à Le Nôtre (dont le 4ème centenaire de sa naissance est fêté cette année). Saisi à la Révolution, l’ensemble devient le siège du VIIe arrondissement jusqu’en 1823.
Le haut de l'escalier et sa coupole
Dégradés, les bâtiments abriteront ensuite des logements et des ateliers ainsi que des petites industries. Des surélévations ajoutées sur 3 niveaux en feront alors un bien de rapport où vivront des artisans juifs originaires des pays de l’Est. Acheté par la Ville de Paris en 1962, 20 ans exactement après les grandes rafles qui ont touché malheureusement plusieurs des locataires, ce n’est que 1986 que la municipalité décide d’y installer le musée qui s’y trouve dorénavant. Entre temps, en 1963, le classement est intervenu.
Deux campagnes de restauration seront nécessaires et dureront 25 ans, des fouilles seront menées sur 3,50 m d’épaisseur et révéleront l’existence de constructions antérieures. C’est ainsi que l’Hôtel de Saint Aignan renait. L’intérêt de l’édifice est qu’il parait vaste alors qu’il se trouve sur une parcelle de terrain de taille modeste. Il est équilibré et présente une grande unité, ainsi les quatre façades de la cour sont identiques et recouvertes de pilastres imposants sculptés sur toute leur hauteur ce qui donne de la puissance à la construction. Nous retrouvons l’escalier reconstruit qui s’inspire du modèle inventé par Mansart. Les volées ne vont que jusqu’au premier étage. Une calotte le surmonte sur laquelle se trouve une perspective en trompe l’œil. Quant au décor de la salle à manger peint en grisaille XVIIIe, il est sans doute dû à Rémy Vuibert (1600 -1652) « peintre ordinaire du Roi » c’est-à-dire peintre habituel qui fut élève de Simon Vouet et ami de Nicolas Poussin. La galerie du Château de Tanlay ou l’escalier de l’Hôtel de la Vrillière, siège de la Banque de France (voir notre article du 31 janvier 2013), sont peints pas lui.
Le musée a ouvert en 1998. Il est régi par une association loi de 1901 et géré par un conseil d’administration où siège la Ville de Paris. 150 000 visiteurs le fréquentent annuellement. Il réunit des collections mises en dépôt par le Ministère de la Culture et des anciennes collections du musée précédemment installé rue des Saules dans le XVIIIe arrondissement. Très importantes et magnifiquement présentées, elles sont enrichies chaque année par des dons et des achats. Une médiathèque, des publications et des ateliers sont à la disposition du public intéressé.
Une longue restauration certes mais qui fut à la hauteur de l’enjeu pour ce rare exemple de l’architecture parisienne datant de la régence d’Anne d’Autriche.
Dominique Feutry