Rue des Coutures Saint Gervais (IIIe) : la plus forte concentration de galeries d'art de Paris (donc du monde !). Au fond à droite le Musée Picasso en travaux
Nouvelle réunion publique le 27 novembre à la Mairie du IIIe au sujet de l’aménagement de la rue des Coutures-Saint-Gervais, une première rencontre, le 25 septembre, n’ayant pu déboucher sur un consensus. Il est ressorti de la discussion que le trottoir côté immeubles serait élargi, que le sens de la circulation automobile – limitée à 20 km/heure – serait maintenu de la rue de Thorigny à la rue Vieille-du-Temple, que les places de stationnement destinées aux voitures ne seraient pas remises en service pour obéir aux impératifs des Pompiers et que des emplacements deux roues seraient aménagés côté square.
Dans un vote à mains levées, la majorité des participants s’est prononcée pour l’élargissement du trottoir. Le parking "deux roues" et la suppression des places de stationnement résidentiel ont suscité plus de réserves dans l’assistance.
Anne Baldassari, présidente du Musée Picasso, a précisé que les visiteurs de son établissement s’y rendraient à pied, mais qu’il fallait prévoir la desserte par cars des scolaires, en fin de matinée. Des voix se sont élevées en faveur d’une dépose rue de la Perle. Le Maire Pierre Aidenbaum a déclaré qu’il n’était pas question d’accepter le stationnement d'autocars dans le quartier. Il n’en reste pas moins que la simple circulation de véhicules de ce type, plus nombreux qu’auparavant, provoquera un surcroît de pollution et d’engorgements dans des rues inadaptées à ce mode de transport.
La réunion s’est achevée sur des propos assez convenus sur la fierté du quartier à l’égard du Musée Picasso. Mais cette manifestation d’autocongratulations ne devrait pas occulter les vrais problèmes qu’engendrera l’extension de l’établissement, dans un quartier qui croule déjà sous les visiteurs, au point de rendre la circulation piétonne quasiment impossible pendant les week-ends. Attention au "syndrome de Chambord", où le monument historique, un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), soumis à des impératifs de rentabilité financière, entend dicter sa loi à son environnement [1] !
Par ailleurs, le réaménagement de la rue des Coutures-Saint-Gervais n’est pas sans risques de nuisances ou d’inconvénients pour le voisinage.
Beaux vestiges de plaques de rues anciennes
Si aucune terrasse de café n’est prévue, rien n’empêche les débits de boissons de demander une autorisation dans un second temps aux services compétents, au dire même de M. Aidenbaum. Or, le "Saint-Gervais" enfreint déjà systématiquement la réglementation en laissant sa clientèle stationner sur le trottoir de la rue Vieille-du-Temple et de la rue des Coutures-Saint-Gervais sans respecter le libre passage des piétons. Conséquence : il est impossible de marcher sur les trottoirs de l’angle de la rue à partir de 18h, et il faut emprunter la chaussée à ses risques et périls. Tout donne à craindre que le nouvel aménagement n’améliorera pas cet état de fait et qu’un nombre croissant de consommateurs s’agglutineront sur la voie publique à la hauteur d’un établissement déjà très bruyant en soirée (la police a dû y intervenir à plusieurs reprises ces derniers mois).
A nouveau, une prime est donnée aux deux roues qui se verront proposer un parking supplémentaire sous le prétexte que leur nombre s’accroît constamment. Et pour cause : le stationnement gratuit leur est accordé en dépit de leur dangerosité et de leurs nuisances (pollution, bruit), et au mépris de l’égalité devant la Loi (pourquoi les exempter du stationnement payant auquel sont astreints les automobilistes, pourquoi différer sans cesse l'application du décret sur le contrôle technique ?)
En revanche, les automobilistes résidents se voient derechef privés d’une dizaine de places de stationnement. Ici, la politique de la municipalité est incohérente. L’une de ses premières mesures avait été de diminuer le coût du stationnement résidentiel. Mais depuis elle s’est engagée dans une politique systématique de réduction des emplacements qui lui sont ouverts : ceux-ci ont été supprimés par dizaines en raison du plan Vigipirate et de la création de parkings deux-roues, de l'implantation de Vélib et Autolib, et ils ont tendance à être squattés de manière abusive au regard de la réglementation par certains commerces indélicats.
Interrogé sur ce point, M. Aidenbaum a évoqué l’existence d’un parking rue Barbette. Mais tous les résidents n’en ont pas les moyens ! Il est donc urgent de recréer des places de stationnement résidentiel éventuellement en substitution de places non résidentielles, par exemple rue des Quatre-Fils, si l’on veut restreindre la circulation des voitures dans le quartier, et de réserver les premières au stationnement exclusif des résidents, sur le modèle de ce qui se fait à Londres. Il est en tout cas anormal que les habitants du IIIe se voient progressivement dépossédés du droit de garer, et donc finalement de posséder une voiture, dans leur propre quartier.
Jean-François Leguil-Bayart
[1] Voir le reportage de Libération, 15 octobre 2013, pp. 34-35.