NANUCCHI, grossiste en maroquinerie, 70 rue des Gravilliers (IIIe) (Photos VlM)
Nous ne sommes pas ici dans le Marais stricto sensu, mais l'immeuble qui abrite ce maroquinier en gros en est tout proche et il est inscrit à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. Il offre de jolis motifs architecturaux et décoratifs : belles fenêtres, porche avec voûte en anse de panier, mascaron, consoles et garde-fous entourent un portail de belle facture. On mesure ici ce que la frontière administrative du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) a d'arbitraire sachant que rien ne distingue vraiment le tissu urbain entre les rues Beaubourg et Saint-Martin de celui de l'Est de la rue Beaubourg.
La devanture en deux parties du local commercial n'est pas ce qu'on trouve de pire. Elle ne respecte pas pour autant les canons du Marais, qui veulent que les coffrages pour volets roulants se trouvent à l'intérieur et non pas en saillie et que les ouvertures s'inscrivent dans l'architecture de l'immeuble en la respectant. Que dire aussi de la minuscule enseigne en drapeau sinon qu'elle est discrète mais mal positionnée.
On relève qu'un permis de construire vient d'être délivré à l'exploitant il y a un mois, pour la modification de cette devanture. (PC-075-103-14-V0014 du 01/12/2104).
Rappelons à cette occasion que tout changement qui modifie l'esthétique d'une boutique doit faire l'objet d'une demande déposée auprès de la direction de l'urbanisme de la Ville de Paris, sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue (*). En fonction de la nature des immeubles et des travaux, l'administration décide s'il s'agit d'un PC (permis de construire) ou d'une DP (déclaration préalable de travaux). Dans tous les cas, l'avis conforme de l'Architecte des Bâtiments de France (Sophie Hyafil) est demandé au cours de l'instruction du dossier.
Nous nous sommes rendus sur place pour comprendre ce qui se passe. Si l'on en croit les gérants, les travaux ont déjà été faits. Il ne s'agissait d'ailleurs que d'un coup de peinture....
Nous en sommes réduits à des conjectures. En premier lieu, si l'administration a opté pour la procédure PC c'est que des travaux substantiels étaient envisagés. Dans le cas contraire une simple DP aurait suffi. On a du mal à croire que le simple passage d'une couche de peinture puisse être assimilé à des travaux exigeant un permis.
Autre hypothèse : la peinture a été faite sans déclaration, un inspecteur est passé et il a demandé le dépôt d'une demande de régularisation. Dans ce cas, on peut penser que l'administration ait exigé des travaux conséquents de mise aux normes. Les gérants que nous avons rencontrés ne semblent pas en tout cas en avoir conscience le moins du monde.
La question a son importance : la prescription est de trois ans sur les travaux d'enseignes et de devantures. Passé ce délai, les pires décorations sont inamovibles, pour autant que le commerçant n'y touche pas. S'il le fait et se déclare ou se fait remarquer, l'administration peut l'enjoindre à se mettre en conformité. C'est la seule issue pour que des enseignes indigestes puissent être enfin remplacées.
Voilà plus de 25 ans au moins que ces deux enseignes sont incrustées dans un bâti style Louis XIV qu'elles défigurent - 81 rue du Temple (IIIe) (photo VlM)
Nous saisissons de ce dossier la direction de l'urbanisme car nous souhaitons comprendre, et mesurer les chances qui existent de voir cette devanture au pied d'un immeuble monument historique en respecter l'esthétique et la qualité.
(*) Mairie de Paris - 121 av. de France - CS 51 388 - 75 639 PARIS CEDEX 13
A consulter : Dépliant-Enseignes-Devantures-PSMV-Marais, édité par "Vivre le Marais !"
Post-Scriptum du 5 février 2015
La direction de l'Urbanisme nous informe :
Il y a bien eu à l'origine des travaux de mise en peinture sans autorisation, comme nous l'avions suspecté. Comme il s'agit ici d'un immeuble inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, une demande de permis de construire a été exigée en régularisation, comme l'impose le code de l'urbanisme. La demande a été acceptée par les autorités concernées, notamment l'Architecte des Bâtiments de France.
En 2010, une enseigne parallèle avait été apposée sur le coffre du volet roulant. Le commerçant a reçu une injonction de dépose, et l'a exécutée. En revanche, il n'est pas possible d'obtenir aujourd'hui le retrait de l'enseigne en drapeau, qui bien que discrète est en infraction, car à son sujet la prescription de trois ans s'applique.