Le Portail de l'hôtel Raoul, seul vestige encore en place de la bâtisse rue Beautreillis (IVe) (Photo VlM)
Les vacances d'été sont propices à la lecture et à la découverte d'écrits intéressants. Une amie m'ayant offert un livre intitulé "Destruction de Paris" écrit par Georges Pillement et paru chez Grasset en 1944, je me suis plongé dans ses 17 chapitres relatant les destructions envisagées à Paris dès avant la guerre, afin de moderniser les différents quartiers de la capitale.
En 1925 déjà, Le Corbusier avait dévoilé le plan Voisin qui proposait de raser une bonne partie du Marais pour y faire construire de grandes tours d’habitations.
Le chapitre X consacré au Marais est dénommé "Menaces sur les quartiers Saint-Paul et Saint-Gervais démolition de l'ilôt 16". Il fait allusion à deux projets e modernisation défendus l'un par la Ville et l'autre par deux architectes repris dans la revue "Architecture" de décembre 1940. Le quartier étant qualifié d'insalubre la solution proposée est de la raser en ne conservant que les églises Saint-Gervais- Saint-Protais et Saint-Paul-Sant-Louis ainsi que 2 voire 3 hôtels particuliers, l'hôtel de Sens, l'hôtel de Beauvais, l'hôtel de Châlons- Luxembourg et l'hôtel d'Aumont. L'auteur ajoute que 300 millions de francs de crédits sont déjà votés, que l'on n'essaie même pas de savoir "si cette amputation peut être évitée". Il dénonce aussi la volonté des architectes en charge du dossier de mettre en avant, afin de justifier les destructions, leur souhait d'élargir à tout prix toutes les rues du quartier.
Photographie du début du XXème siècle de la Voussure de l'Hôtel du maréchal d'Estrée 8 rue Barbette (IIIe)
Georges Pillement s'insurge et écrit, en rappelant toute notre histoire qui transparaît au détour des rues, que "Paris ne sera bientôt plus qu'une ville neuve et banale, avec ça et là des nécropoles de souvenirs" en citant notamment le Square Georges Cain (IIIe) où sont entreposées de vieilles pierres récupérées lors de démolitions passées.
L'auteur reprend rue après rue, qu'il s'agisse des rues des Nonains-d'Hyères, Geoffroy-l'Asnier ou de l'Hôtel de Ville, les immeubles remarquables en ajoutant qu'il "serait imbécile de les démolir". Il s'insurge contre le dégagement souhaité de l'hôtel de Sens, alors en restauration, qui consisterait à raser des maisons très anciennes. Nous savons malheureusement ce qu'il en est advenu. Il rappelle à ce propos de douloureuses démolitions telles que l'hôtel du maréchal d'Estrées rue Barbette, celle de l'hôtel Le Pelletier de Morfontaine 20 rue Sainte Croix de la Bretonnerie, le couvent de la rue des Guillemites ou l'hôtel d'O rue des Francs Bourgeois dont les derniers vestiges venaient juste d'être enlevés.
Évoquant la réhabilitation du Marais, l'auteur indique en guise d'introduction " une des plus nobles parures de Paris, un des rares ensembles qui nous reste, après tant de démolitions inutiles, après tant de massacres barbares... Ces hôtels du Marais sont un des attraits les plus sûrs de Paris auprès des touristes, je parle des vrais, de ceux qui ne se contentent pas de voir l’opéra et la Tour Eiffel avant de courir les boîtes de nuit... Il faut qu'un plan d'ensemble permette de restaurer et de dégager les plus beaux hôtels."
Propos prémonitoires quand nous savons tous ce qu'il est advenu ensuite mais intéressants aussi, en particulier sur les touristes !
Dominique Feutry