Il n'est pas interdit de s'occuper du Marais et de s’intéresser à l'espace. C'est même une façon de relativiser nos misères terrestres.
Tous les médias ce matin communiquent de façon stéréotypée sur la découverte présumée d'une nouvelle planète par deux chercheurs californiens. Certains, plus spécialisés, nous apprennent que cinq planètes sont actuellement visibles au petit matin au dessus de l'horizon sud-est, bien alignées sur l'écliptique (le plan qui contient le soleil et l'orbite de la Terre) et assez rapprochées dans le ciel, dans l'ordre qui n'est qu'apparent : Mercure, Vénus, Saturne, Mars et Jupiter.
L'heure est donc aux planètes du système solaire. Il était concevable de s'y attarder un peu.
On lit à propos de la nouvelle présumée-planète qu'elle aurait été découverte "par le calcul". Ses inventeurs du Caltech ne seraient pas les premiers à avoir utilisé cette démarche. L'astronome français Urbain Le Verrier est connu pour avoir en 1846 émis l'hypothèse de l'existence de la planète Neptune et prédit sa position à 1 degré près. D'autres comme Galilée l'avaient précédemment observée avec leur lunettes pourtant sommaires mais aucun d'eux n'avait envisagé sa nature planétaire.
On peut en effet détecter l'existence dans l'espace de corps massifs en mesurant leur influence sur les trajectoires d'autres corps connus. Au XIXème siècle, le mouvement des planètes était régi par les lois de Képler qui supposent que des corps massifs s'attirent de façon inversement proportionnelle au carré de leur distance. Depuis Albert Einstein, qui a marqué de son génie tout le XXème siècle, il existe un continuum espace-temps dont les caractéristiques portent la marque des énergies ou des masses avoisinantes. Dans cet espace-temps, un corps livré à lui même se déplace sur une "géodésique", trajectoire représentative d'un déplacement qui suit le principe de "moindre action" (en langage trivial : de moindre effort).
La connaissance d'un corps céleste et de ses caractéristiques permet de calculer son impact sur l'espace-temps. A l'inverse, une perturbation constatée et mesurée conduit à l'hypothèse de la présence d'un corps massif.
Nos ingénieurs du Caltech ont relevé des perturbations de l'espace-temps sur les trajectoires d'un certain nombre de corps célestes en orbite dans la ceinture de Kuiper, aux confins du système solaire et calculé les caractéristiques du corps massif susceptible de les provoquer. C'est cela qu'ils ont appelé "la neuvième planète".
Il reste maintenant à prouver par l'observation ou une forte conjonction d'indices que cette nouvelle planète lointaine et massive n'est pas un mythe.
Gérard Simonet