Étudiante qui occupe un studio du IIIe en colocation (photo VlM)
Si l'on en croit le quotidien "Le Monde" et son article du 28 août sur le logement étudiant, le loyer moyen pour un studio de 11 m² dans le IIIe se situe autour de 800 € par mois. L'agence Century 21, qui vient de publier une enquête sur le dossier, affirme que c'est "le prix le plus cher de France". Elle ajoute que le IVe est également très recherché et qu'il ne faut pas compter se loger pour moins de 600 € pour une surface identique.
Il y a dans cette information une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que nos jeunes étudiants, ainsi que ceux qui débutent dans la vie active, ne peuvent espérer se loger dans nos quartiers sauf à le faire en couple ou en colocation entre personnes qui disposent individuellement d'un revenu confortable ou d'une aide de la famille. Les difficultés commencent au moment de la recherche. Sur ce marché, c'est le monde à l'envers : le bailleur fait la loi et c'est lui qui choisit son client. Il exige systématiquement des garants dont la surface financière est l'élément déterminant du choix du locataire.
La bonne nouvelle, c'est que ce résultat sanctionne le haut niveau d'attractivité du Haut-Marais. Il y a plusieurs raisons à cela. Faut-il le rappeler, le Marais a la chance d'être au centre de Paris. C'est le lieu privilégié, du fait de sa position et de la disponibilité des transports publics, pour ceux qui doivent se déplacer.
C'est aussi le cœur historique de Paris où foisonnent des monuments et des bâtiments qui portent témoignage d'un patrimoine qui comprend des vestiges du moyen-âge, des traces de la renaissance et, surtout, de l'architecture des XVIIème et XVIIIème siècles avec un nombre impressionnant d'Hôtels particuliers comme Soubise et Rohan, Sully, Amelot de Bisseuil, Coulanges... Sans oublier cette perle de l'époque d'Henri IV qu'est la place des Vosges et quelques immeubles haussmanniens, art nouveau et art déco (mieux vaut éviter de parler de la période après-guerre qui nous a laissé hélas des horreurs comme le gymnase Michel le Comte ou l'école-piscine Saint Merri !)
Il est clair que la décision des pouvoirs publics, dès 1962, de lancer le PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais, qui a fait d'un secteur délabré, massacré par les activités marchandes, insalubre, ce qu'il est aujourd'hui, n'est pas étranger à la flambée des prix. Fallait-il pour autant le laisser croupir ? Le détruire, comme le suggérait Le Corbusier ? La réponse est dans la question !
Il est tout aussi évident que la politique conduite par les Maires d'arrondissements a eu son influence sur l'évolution du marché immobilier. Dans le IIIe, le réaménagement des rues Baubourg, de Bretagne, Turenne, du carrefour des Arts & Métiers, de la rue des Archives au niveau de la Poste, de la rue Rambuteau (commune avec le IVe) a induit un positionnement différent des commerces avec une montée en gamme. Les habitations ont suivi avec un nombre croissant de rénovations/réhabilitations qui en ont élevé la valeur foncière.
La politique des Maires en matière de logements sociaux, dont on peut observer de notre point de vue qu'elle s'est faite de manière intelligente en associant largement les intérêts privés, a pourtant pesé elle aussi sur les conditions du marché. En forçant la main des investisseurs privés à céder 25 ou 30 % des rénovations à des bailleurs sociaux à des prix inférieurs au marché, elle a poussé à la hausse, par effet de péréquation, le prix des logements non aidés. On en a des exemples avec le 108 rue Vieille du Temple ou l'Hôtel du Grand Veneur, 60 rue de Turenne (IIIe).
On peut légitimement en conclure que la puissance publique est responsable, en partie, de l'envolée des prix. Il serait absurde pourtant de l'en rendre coupable car l'amélioration du cadre et des conditions de vie des citoyens doit être le souci permanent des élus. La gentrification d'un ensemble urbain à la suite de sa mise en valeur n'est certainement pas sans conséquences mais il faut savoir considérer tous les aspects du changement et dresser un véritable bilan. S'agissant du IIIe, et au risque d'être contredits, nous considérons que sur un quart de siècle maintenant, ce bilan est positif.
Le IVe mérite une analyse spécifique bien que les conclusions applicables au IIIe puissent se décliner sur le "Marais-Sud" à des degré divers. On peut regretter toutefois que les Maires successifs aient laissé perdurer les dérives qui en font un quartier "agité" avec notamment des attroupements réguliers le soir sur l'espace public autour de certains débits de boissons, qui ont fait fuir ceux qui aspiraient à une existence paisible, notamment les familles (depuis 2009, la population du IVe a baissé de 4,75 %). En libérant des logements, ce mouvement a contribué à la mise sur le marché d'un nombre élevé d'appartements qui proposent désormais de la "location à la journée" à travers des plateformes bien connues comme AirBnB.
Quand on sait que la location meublée d'une semaine équivaut à un mois de location traditionnelle, on comprend que cette pratique (sur laquelle on s'est plusieurs fois exprimés) exerce une poussée à la hausse sur le foncier en général et sur les loyers en particulier.
Gérard Simonet