La place Ste Catherine, l'un des douze travaux d'Hercule de Pierre Colboc, président de Marais-Quatre (Photo VlM)
Les associations "Vivre le Marais !" et "Marais-Quatre" partagent les mêmes valeurs et agissent ensemble pour la défense du patrimoine et la qualité de vie des habitants du Marais. Elles ont mis en commun leurs moyens de communication, notamment ce blog. A ce titre, nous avons le plaisir de publier le dossier ci-dessous qui a pour but d'informer tous nos lecteurs des activités de "Marais-Quatre" sur l'année écoulée et des difficultés rencontrées dans le dialogue avec la mairie d'arrondissement et les directions opérationnelles de la Ville de Paris, plus soucieuse de communication que de collaboration effective avec les habitants
BILAN DE TROIS ANNÉES D’ACTIVITÉS "CITOYENNES"
Par Pierre Colboc, Président de Marais Quatre
Au printemps 2013, le point de départ fut le suivant :
Pourquoi ne pas conforter les doléances de riverains auprès des élus par des propositions d’aménagement, lorsqu’elles sont liées à des dysfonctionnements dans le vécu d’espaces publics ?
Fort de cette inébranlable foi dans les vertus de la « participation citoyenne » clamée haut et fort par nos élus, j’ai contribué à l’émergence des projets suivants, certains demeurés dans les limbes du rêve…d’autres sur le point de ( peut-être) aboutir…le tout dans l’ordre chronologique suivant :
1 - REQUALIFICATION DE LA PLACE DU MARCHE SAINTE CATHERINE
Durant l’été 2013, j’ai constaté les tensions récurrentes entre riverains de cette charmante place et les tenanciers des cafés vivant de ce charme…tenus pour responsables du niveau sonore souvent abusif émanant des conversations à leurs terrasses...
Après échanges d’idées avec quelques riverains, j’ai proposé que soit limitée l’extension légale de ces terrasses par des plates-bandes buissonneuses formant tampon, visuel et phonique, entre les conversations et la place.
Cette idée toute simple, soufflée par notre vice-présidente et confortée par le succès de la rue du Trésor…est exprimée par quelques dessins soumis à la Mairie par les soins du Conseil de la Place.
Quelques réunions après…ces propositions sont présentées au Budget Participatif 2015.
Classé juste après les lauréats de cette session, notre projet bénéficiera d’un reliquat de ce Budget, permettant à la Mairie d’annoncer au Conseil de la Place que sa réalisation est prévue sur l’année 2016 !
Hélas, force est de constater que rien n’a bougé durant cette année…l’élu référent assurant que la réalisation est reportée sur 2017 !..
2 - REVITALISATION DE LA PLACE SAINT-GERVAIS, UNE ENTRÉE DANS LE MARAIS
Interpelé par la juste interrogation de son président, lors du Conseil de Quartier Saint Gervais de janvier 2015, qui remarquait la tristesse de cette place et posait le problème de son embellissement, j’ai alors imaginé que sa partie centrale, simple parking, soit surélevée de la hauteur de quelques marches, depuis l’accès à l’église jusqu’à la rue Lobau.
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Cet effet de parvis donnerait à ce fourre-tout de véhicules en tous sens une impression d’unité de lieu, principalement dévolu aux piétons, sans oublier bien-sûr l’accès des véhicules des forains deux jours par semaine…
Ce premier projet fut présenté, avec approche historique du site, par diaporama au Conseil de Quartier Saint Gervais de juin 2015. Ce dernier approuvait l’idée.
A l’automne, la réalisation d’une perspective étoffait ce concept de parvis, qui fut présenté au Budget Participatif de la session 2016.
Le processus de ce dernier déclencha un « atelier de co-construction » à l’initiative de la Mairie du 4ème, en Mai 2016, qui avait pour objectif d’aider à établir une synthèse entre notre projet et une autre proposition concernant le même site.
Lors de cet « atelier » furent rappelées par la Mairie les nombreuses contraintes empêchant la surélévation d’une partie de la place ,dues à une avalanche de raisons assénées près d’un an après les premières présentations de notre projet… telles :
Pouvoir regrouper les agents de l’Hôtel de Ville en cas d’alerte, permettre qu’un hélicoptère puisse en urgence évacuer la maire, répondre aux différents besoins de stationnement au service de la Mairie, permettre le stationnement ponctuel de véhicules liés au tournage de films, accueillir les forains du marché voisin, etc …
L’auteure de l’autre projet déclarant forfait, nous avons alors étudié un projet alternatif, présenté au Conseil de Quartier, qui l’approuvait, en juin 2016.
Substitué par la Ville à notre proposition initiale dans le Budget Participatif, le nouveau projet se contente de cadrer le secteur parking par des effets de dallages le rattachant visuellement aux façades latérales. Il conserve la notion de parvis piétonnier dans l’espace compris entre l’orme et les emmarchements : en osant supprimer le trafic, modeste, sur la rue de Brosse, nous proposons de remonter de la hauteur d’une marche les pavés existant dans cette rue, protégeant par des bancs ce futur espace de recueillement au pied de l’église…
3 - MISE EN VALEUR DE LA TOUR SAINT-JACQUES
Le Conseil de Quartier Saint Merri a proposé au Budget Participatif 2016 de créer une nouvelle entrée dans ce square, qui mette en valeur la perspective , peu perçue, depuis la rue Nicolas Flamel sur cette admirable tour …
Des croquis illustrent cette idée, montrant que ce nouvel accès pourrait aisément s’insérer dans la grille longeant la rue de Rivoli, incitant plus clairement qu'aujourd’hui à visiter ce monument.
4 - DE-MOTORISER LES TROTTOIRS, RUES DES ARCHIVES ET DU TEMPLE
A la suite d’une promenade urbaine dans la partie Sud de ces rues, initiée par le Conseil de Quartier Saint Merri au printemps 2015, il est convenu d’attirer l’attention de la Mairie sur l’envahissement quotidien des trottoirs par le stationnement illicite de motos…
Des croquis suggèrent que des plantations prennent la place de ces intruses, type rue des Rosiers (extrémité Est), boulevard Saint Marcel dans le 13ème, et bien d’autres rues dans Paris…
D’autres croquis suggèrent la création d’un vrai parvis devant les Billettes…avec déplacement du kiosque à journaux et du container à verre…pour permettre de mieux apprécier cette église et son cloître.
5 - TRAITEMENT DES RUES GEOFFROY-L’ANGEVIN ET SIMON LE FRANC
ET FRANCHISSEMENT DE LA RUE BEAUBOURG
Une dame, membre actif du Conseil de Quartier Saint-Merri, habitant ce secteur aux limites du Marais, a déposé au Budget Participatif 2016 un projet comme suit :
- Valoriser ces deux rues fort étroites, offrant une perspective saisissante sur la façade Est du musée Pompidou…
- Aménager une traversée piétonne de la rue Beaubourg menant à l’ancienne entrée arrière dans le musée, projet qui offrirait l’occasion de casser l’image de voie rapide à cet endroit, effet renforcé par le terre-plein central végétalisé qui interdit tout passage des piétons entre les rues Rambuteau au Nord et Saint Merri au Sud.
- Des croquis illustrent ces propositions, suggérant un traitement unitaire des chaussées avec pavement, et une traversée protégée vers le musée
6 - UN JARDIN PLACE TEILHARD DE CHARDIN
Au Conseil de Quartier de l’Arsenal qui le demandait depuis des années avec l’appui du Maire, furent proposés des scénarios de jardin en juin 2015, par la Direction des Espaces Verts de la et de l'environement Ville de Paris (DEVE).
Constatant la pauvreté de ces esquisses, je réalise que les fouilles archéologiques menées à l’automne dernier sur ce site, révélant de magnifiques traces de l’enceinte de Charles V, offrent l’opportunité de donner à cette place une grande valeur onirique, à la condition d’en faire un véritable lieu de mémoire honorant ces vestiges émergeant du cœur du Marais…
Au Conseil de Quartier de l’Arsenal de Novembre 2015 est proposée la création d’un atelier participatif…qui recueille l’adhésion d’une dizaine de volontaires à la séance de Décembre…
Pour préparer notre travail collectif à partir du début 20 16, comme il se doit dans toute démarche d’aménagement, je me rapproche du service archéologique de la Ville (DHAAP) pour monter une réunion d’information sur cette campagne de fouilles, recouvertes dès octobre pour raisons de sécurité
Devant le silence surprenant de ce service de la Ville…je réitère ma demande en janvier et obtiens un rendez-vous avec le responsable de ces fouilles…annulé la veille de la date convenue sous un prétexte de calendrier…ce même archéologue m’informant un mois après que toute rencontre sera impossible avec des habitants, du fait de la complexité technique d’un dossier dépassant leur entendement…
Certes, nous aurions pu, parallèlement, nous rapprocher du Service des Espaces Verts et de l'Environnement (DEVE )…mais les contacts personnels que je tentais alors n’ont pas abouti…et notre groupe , découragé par la médiocrité des scénarios de juin 2015…préféra présenter sa propre esquisse dans le cadre du Budget Participatif en Mars 2016
Le 17 Mai était présentée une nouvelle esquisse de la DEVE prenant en compte les vestiges, lors d’une réunion publique au Pavillon de l’Arsenal. Le ton monta dans la salle devant la modestie de son projet…et les arguments que j’exposais en faveur de nos propositions…au point que le Maire, pour en finir, proposa qu’une réunion de conciliation ait lieu dans les locaux de la DEVE ;
Tenue le 1er Juin, cette réunion alignait tous les responsables du projet municipal (à contre-jour…) face aux deux représentants des habitants, dont le président du Conseil de Quartier.
Bien entendu, nos propositions furent mises en pièce…sous prétexte de données techniques regardant les fouilles…données que les techniciens de la Ville refusèrent sciemment de nous communiquer pendant les 3 mois de notre atelier !
7 - LES LIMITES DE LA « PARTICIPATION CITOYENNE »
Cette expérience de 3 années de « participation citoyenne » me conduit à établir le bilan suivant :
QUANT A LA PRISE EN COMPTE DES DEMANDES FORMULÉES PAR LES HABITANTS
Ce bilan ne concerne que des doléances attachées à l’aménagement de l’espace public, captées comme autant d’opportunités à agir en commun pour proposer des projets concrets.
Ce choix dans l’éventail des propositions « citoyennes » porte en lui-même la limite suivante : la Ville de Paris est-elle en mesure d’accueillir des idées d’aménagement venant des habitants eux-mêmes, alors qu’elle attend de ses propres services techniques la responsabilité exclusive de les formuler…
En effet : il se trouve que des habitants s’efforcent de faire des propositions pour traiter les dysfonctionnements qu’ils perçoivent, plutôt que de se contenter de se lamenter et d’exprimer des doléances.
QUANT AU PROCESSUS D’INFORMATION AUPRÈS DES HABITANTS
N’étant pas structurée pour partager d’égal à égal avec des habitants une démarche de projet, la Ville se contente de les informer sur les projets en cours, selon le mouvement bien connu « du haut vers le bas »… Et quand « le bas » montre une volonté de s’activer par lui-même pour faire éclore un projet, la Ville se cabre et déclenche un processus de rétention des informations, sous prétexte que tel projet « est beaucoup trop complexe pour être abordé avec les habitants »…Exemple : projet pour la place Teilhard de Chardin…
Ce processus d’information à sens unique « du haut vers le bas » est de plus en plus mal supporté par les habitants (dans le Marais et ailleurs), et contredit les efforts de « com» de la Mairie, qui appelle les citoyens à être acteurs de la « co-construction des projets…
Par exemple, pour le projet de la place Saint-Gervais, l’ « atelier de co-construction » de Mai 2016 n’aura duré que 2 heures …un an après le début de cette étude !...
QUANT A LA MÉTHODE DE TRAVAIL POUR ÉLABORER UN PROJET D’ESPACE PUBLIC
La première lacune, en amont d’un projet important, porte sur le manque fréquent d’appel à la concurrence auprès de concepteurs du privé.
Bien entendu, la Ville objectera qu’elle n’en n’a ni le temps ni les moyens !
Et pourtant, le processus de conception du futur jardin sur la place Teilhard de Chardin, exclusivité de la DHAAP et de la DEVE, aurait sans doute conduit à mieux que le médiocre projet officiel, si l’ouverture à la concurrence avait laissé le champ libre à des idées fortes … dont peut-être celle du Conseil de Quartier de l’Arsenal ?...
En effet, dans une autre forme d’organisation, pourquoi ne pas mettre en concurrence un projet conçu par des habitants avec celui porté par un concepteur privé ?
Cette attitude d’ouverture aux idées fraiches aurait aussi pour intérêt de dédouaner de toute tentation de manipulation l’auteur de propositions élaborées avec un groupe d’habitants !
Je fais allusion, bien-sûr, aux aléas du projet pour la place Teilhard de Chardin …
Lorsqu’il s’agit d’un petit projet porté par les habitants comme celui de la place Sainte Catherine par exemple, et dont la modestie n’impose pas le concours, la deuxième lacune réside dans le manque de réactivité des services techniques auxquels incombe sa réalisation.
En effet, il fallut attendre près de 2 ans après la première esquisse « citoyenne » pour qu’un représentant de la Voirie soumette au Conseil de la Place …un plan se contentant de reproduire cette esquisse…sur un site qu’il n’avait sans doute même pas visité…incapable d’apporter aux présents la moindre précision sur sa faisabilité !...
Ces deux lacunes confirment le fossé entre les intentions intéressantes de la Ville et la réalité d’un système de fabrique du projet dans les obscures conditions de services techniques non mandatés pour partager avec les habitants la moindre réflexion !
Services techniques par ailleurs débordés, ne serait-ce qu’avec la surchauffe qu’ils doivent affronter avec la frénésie du Budget Participatif…
Pour éviter cette perte de charge considérable, qui se traduit en gâchis de réunions inutiles et de projets médiocres, ne pourrait-on pas envisager une véritable méthode de travail réunissant enfin habitants, élus et techniciens municipaux … En effet le bilan de ces trois années me conduit à proposer qu’un véritable dialogue s’établisse avec les services de la ville.
Ce dialogue devrait être facilité par la présence d’un professionnel accompagnant.
Pierre Colboc,
Architecte et urbaniste, président de l’Association "Marais-Quatre"