La place Saint-Gervais, revue par Pierre Colboc, architecte et président de Marais-Quatre, proposition hélas non retenue pour le "budget participatif" de la mairie de Paris
FAIRE – PART
Vous me connaissez tous, je suis
l’Orme du parvis de l’Église Saint Gervais,
et je vais bientôt disparaître.
Mon ancêtre, abattu à la Révolution ou peu après, a abrité pendant des siècles les rendez-vous de ceux qui s’acquittaient de leurs créances et, parfois, après une vaine attente de la part des créanciers (d’où l’expression « attends-moi sous l’orme » pour les mauvais payeurs) .
Il ornait aussi le blason des marguilliers chargés de l’administration des biens de la paroisse, et il décore encore aujourd’hui les balcons en fer forgé de certains immeubles de la rue François Miron construits au XVIIIème siècle.
On raconte aussi que les pécheurs y faisaient amende honorable, battant leur coulpe sous ses branches. Il dut en entendre de belles !
Moi, je me charge de faire un peu d’ombre depuis ma dernière plantation en 1935 ( ?) et de contempler les passants, les bus, les voitures en stationnement…. J’avais rêvé d’un environnement plus poétique, d’une place piétonne, mais ce projet n’a pas été retenu. Je me contente donc de mon élégant entourage de huit bornes réunies par une chaine de protection sur un petit gradin..
Aujourd’hui, quoique apparemment encore vert, je dois être irrémédiablement malade, car on va me remplacer par un jeune arbre, un ormeau, qui prendra ma place, je l’espère (à moins que l’on ait l’idée de planter une autre essence, ce que j’aurais du mal à admettre…).
Ah ! ce n’est pas drôle, le destin d’un arbre… Pas de retraite heureuse après des années de bons et loyaux services : je vais finir, anonyme, moi, labellisé en 2005 « arbre remarquable de France », en fumée ou en compost : ainsi va la vie.
L’Orme de Saint Gervais - A.R.