A gauche, l'immeuble central sur une seule travée et trois étages au n°20 de la rue Pastourelle. A droite le n°37 de la rue de Montmorency (IIIe)
On a du mal à l'imaginer mais c'est une réalité : ces deux adresses ont fait une demande de transformation en "hébergements hôteliers" auprès de la direction de l'urbanisme de Paris.
Pour le 37 rue de Montmorency, il ne s'agit pas de la totalité de l'immeuble mais de deux appartements sur cour intérieure, au premier et au second étages, tous deux propriétés de la même personne. Rue Pastourelle c'est la totalité de l'immeuble qui est concernée, une construction étroite sur trois niveaux, qui ne fait pas particulièrement penser à un hôtel...
Pour la quinzaine en cours, la Ville de Paris signale deux autres demandes : au 49 rue N.D. de Nazareth, rez-de-chaussée et premier étage et au 7 rue Ste Apolline pour un deuxième étage.
A ce rythme, nos quartiers qui sont tous visés par le phénomène auront quelque peu changé de visage d'ici peu. Il est logique d'estimer que la quasi totalité des appartements à statut commercial et une part significative des rez-de-chaussée auront pris ce virage, contre lequel les autorité municipales ne peuvent rien au nom de la liberté du commerce. Tout au plus peuvent-elles imposer une démarche déclarative et l'obligation de s'acquitter des taxes et impôts en vigueur.
L'hôtel "Le Compostelle", 31 rue du Roi de Sicile (IVe)
Nous avons interrogé un hôtelier traditionnel pour savoir ce qu'il en pense. Bruno Bertez est gérant de l'hôtel "Le Compostelle". Il nous livre d'abord un commentaire macro-économique :
"Le développement de ce que l’on appelle l’économie du partage est lié à l’appauvrissement relatif de nos sociétés. Les uns ont un revenu insuffisant et ils ont besoin de le compléter, les autres ont un pouvoir d’achat qui ne permet pas de satisfaire leurs besoins, ils cherchent à dépenser moins d’argent et s’orientent vers des prestations dites économiques".
Il relève que l'évolution constatée a des avantages et des inconvénients
"Pour résumer, l’avantage consiste en ceci que l’on élargit des marchés en descendant en gamme, en touchant des clientèles de niveaux plus bas. Les inconvénients sont symétriques des avantages".
"Les prestations bon marché élargissent la clientèle potentielle et beaucoup de gens qui commencent par un AirB&B finissent à l’hôtel".
Il s'agit cependant d'une concurrence qui peut être déloyale car la location saisonnière n'est pas soumise comme les hôtels à des normes sévères d'hygiène, de sécurité, d'accessibilité, d'entretien et de maintenance. On constate par exemple la prolifération à Paris des punaises de lits. La location saisonnière n'y est pas étrangère.
Bruno Bertez n'est pas pessimiste dans ses conclusions : "Finalement, tout cela se régularisera de soi-même par la concurrence, la réglementation et la transparence, mais demandera du temps. »
Nous sommes aussi de cet avis. La mutation que nous vivons en ce moment est une révolution certes mais une révolution douce et pacifique. "L'homme connecté" (homo connecticus) qui est apparu avec les smartphones et Internet a rendu possible l'instauration d'une économie de partage avec une meilleure utilisation de nos investissements (résidence principale, résidence secondaire, voiture, bateau ou autres bien). Le partage peut même s'étendre à la consommation (cuisine, moyens de transports ... ).
Notre environnement en est forcément modifié. Il faut être capable d'en accepter les nouveaux contours, pour autant que le cadre législatif et administratif soit adapté au fil de l'eau et sans délais excessifs.
GS